C’est selon Freud, à côté du moi et du ça, un des trois étages de la personnalité, qui agit sur le moi en permettant la maîtrise des pulsions, et qui se développe chez le sujet à partir des interdits parentaux et éducationnels.
C’est à ce schéma et à la problématique qu’il ouvre que je pense toujours toutes les fois qu’il me vient des nouvelles du président états-unien. Je me dis que, décidément, tel qu’il se présente et à quelque occasion qu’il le fasse, il est totalement dépourvu de surmoi – et je ne sais même s’il en a jamais eu. Chez lui tout est pulsion, emballement affectif. Il ignore la correction, sur les mouvements immédiats, que fait ordinairement la réflexion froide. Son langage a la complexité de celui d’un enfant. Ses enthousiasmes sont hyperboliques, et pareillement ses détestations. Ainsi il injurie grossièrement et voue aux gémonies (à l’« Enfer ») ses adversaires, spécialement ses « ennemis de l’intérieur », ceux qui dans son propre pays sont du bord différent du sien – quitte à préparer, sur les ruines de la civilité, une vraie guerre civile, et à faire douter que ce constant fauteur de guerre puisse mériter un jour de recevoir le prix Nobel de la paix. Cette perspective et cette violence sont préoccupantes, car la fin du surmoi et la « décomplexion », de la part d’un personnage si haut placé, peuvent avoir des conséquences redoutables.
Dans la mesure où il fascine maints dirigeants et politiques de la planète, qui rêvent de l’imiter et attendent de pouvoir le faire, cet abandon du surmoi, instance civilisatrice par excellence, pose un grand problème. On peut y voir les linéaments d’une vraie décivilisation. On sait qu’un homme civilisé est quelqu’un qui s’empêche. Norbert Elias l’a montré dans sa Civilisation des mœurs : toute culture authentique implique le sacrifice des pulsions, et donc une frustration consentie. Que si on ne l’admet plus, c’est tout le monde civilisé, à l’échelle planétaire, qui avec de tels exemples risque de disparaître.
Finalement, avec ce qu’incarne le surmoi, c’est à l’éducation qu’il faut revenir. Je crois que l’époque actuelle connaît une crise de l’éducation. Parents en premier lieu, mais aussi éducateurs au sens large, sont les derniers remparts pour éviter le retour à la sauvagerie, l’ensauvagement généralisé qui, si on n’y prend garde, au surplus avec le mauvais exemple donné par certains, risque de nous submerger.
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Michel Théron