Pour répondre à un commentaire laissé sur le site de Golias, à propos de mon article Funambulisme, je reproduis ici la fin de l'article Solitude du tome 2 de ma Théologie buissonnière :
... La vie sociale n’est pas refusée, mais elle vient après la réunion à soi-même. Et même la malédiction leibnizienne des monades peut être conjurée par un dialogue avec l’autre, mais avec l’autre tout seul, et à ce prix une unité peut être trouvée : « Jésus a dit : ‘Là où il y a trois dieux, ce sont des dieux ; là où il y en a deux ou un, je suis avec lui.’ (Évangile selon Thomas 30)
Ce logion n’est énigmatique qu’en apparence, il faut savoir le décrypter. La société en effet commence à trois (les « trois dieux »). Dès qu’on est trois, on veut « frimer », se mettre en valeur : dès qu’il y a le regard d’un tiers, on joue toujours un rôle, de séduction, d’instrumentalisation, etc. C’est un théâtre social : on y porte un masque, persona, en latin. On y est acteur, hypocrite au sens propre : hupokritès. Seul le tête à tête avec un seul permet l’unification, la fusion de deux en un, l’autre devenant une sorte d’alter ego, et c’est ce que marque l’énallage pronominale, le changement de pronom : « là où il y en a deux ou un, je suis avec lui. »
Le texte reçu n’a pas compris toute la subtilité de ce logion, comme on le voit en Matthieu 18/20 : « Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Bien sûr ce « deux ou trois » est peut-être déjà un progrès par rapport à l’usage juif qui impose aux hommes d’être bien plus nombreux (un quorum de dix, le minyan) pour prier Dieu. Mais aussi il paraît bien approximatif par rapport au logion de l’Évangile selon Thomas. Ainsi la vie sociale, approximativement posée, l’emporte fâcheusement sur la vraie communication et la gestion pertinente de la solitude, finement observées. (pp.300-301)
© Michel Théron - 2010
Peut-être y aura-t-il d'autres réactions que celle de ma correspondante susmentionnée...
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