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29 avril 2019 1 29 /04 /avril /2019 11:59

Il doit nous avertir de quelque chose (latin monere, avertir). Or le récent incendie survenu à Notre-Dame de Paris me semble avoir créé une grande vague submergeante d’émotions, en sorte que l’avertissement a été laissé un peu à l’arrière-plan.

 

Rares sont ceux qui n’ont pas trouvé normal que près d’un milliard d’euros aient été immédiatement et facilement donnés pour la reconstruction, notamment par de grandes entreprises, alors que la pauvreté n’a jamais bénéficié d’un tel élan de générosité. Heureusement on lira à cet égard une très intéressante interview du Vicaire général du diocèse de Paris en charge de la solidarité, Benoist de Sinety, qui pose bien cette question : « Peut-on rebâtir Notre-Dame sans penser aux pauvres ? (Source : LaVie.fr, 19/04/2019)

 

En réalité, tout cet élan de générosité déployé pour la reconstruction de la cathédrale est plus problématique que son incendie. Les motifs ne sont pas, loin s’en faut, toujours religieux. Par exemple on se demande s’il faut reconstruire à l’identique la flèche écroulée, mais on oublie qu’elle a été érigée au XIXe siècle par un Viollet-le-Duc plus préoccupé de sa propre gloire, au point de s’y statufier lui-même, que par celle de la Foi. On ne fait pas de distinction entre l’édifice formel auquel on est attaché par habitude et les hommes de chair et de sang qui l’ont bâti en une époque d’ardente foi – avec laquelle la nôtre n’a quasiment plus rien à voir.

 

Aujourd’hui on s’attache à des pierres dont beaucoup ont oublié la signification. Elle était humaine, et l’avertissement qu’elles portaient était la nécessité d’une Transcendance. Le touriste qui fait un selfie narcissique devant Notre-Dame y sent-il que l’homme passe infiniment l’homme ? Et cela, malgré toutes les souffrances endurées par un peuple qui alors y trouva consolation ? Mais quel réconfort donner encore à ceux qui souffrent chez nous, à nos côtés ou à nos portes ? Par nostalgie on s’est jeté sur le roman d’Hugo Notre-Dame de Paris, mais a-t-on pensé aux Misérables du même auteur ?

 

Certes on rebâtira Notre-Dame, même si le monde où elle est née n’a plus rien de commun avec le nôtre. C’est humain et inévitable. Mais songeons qu’il y a une certaine légèreté à préférer les pierres aux hommes. Sans ces derniers les premières ne sont rien. Comme le disait Rabelais (Le Tiers Livre, 6) : « Je ne bâtis que pierres vives : ce sont hommes. »

 

D.R.

 

***

 

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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 01:01

On sait qu’il était la bête noire de Jean-Paul II, si l’on se réfère par exemple à son encyclique Veritatis Splendor de 1993. Mais cette condamnation vient d’être reprise par le pape émérite Benoît XVI, qui vient de publier dans la revue chrétienne allemande Klerusblatt un texte consacré à la crise des violences sexuelles sur mineurs dans l’Église, texte qui constitue un gigantesque retour en arrière par rapport à la réflexion qui vient de s’initier sous le pape François (Source : LeMonde.fr, 11/04/2019).

 

Il affirme que la raison de la pédophilie est « l’absence de Dieu ». Car « un monde sans Dieu ne peut être qu’un monde dépourvu de sens » et donc « sans notion de bien et de mal ». Autrement dit, en-dehors de la référence à Dieu, aucune morale n’est possible. Les athées apprécieront...

 

Cette vision théocratique et exclusiviste amène Benoît XVI à récuser toute réforme de l’Église. Cette dernière n’est pas seulement une communauté de croyants, mais a une présence transcendante : « Une Église faite par nous ne peut représenter aucune espérance... Aujourd’hui aussi, il y a l’Église sainte qui est indestructible. » Il reprend donc le dogme de l’« Église sainte », un article de foi figurant à la fin du Credo.

 

Mais c’est sur cette affirmation, cette présomption de « sainteté » a priori que repose tout le Pouvoir clérical. J’ai souligné que la longue impunité des prêtres pervers est venue souvent de la projection aveuglée et crédule que leurs victimes ont faite sur eux, en causant leur sidération : elles ne pensaient pas que ce qu’elles subissaient était possible de la part d’un homme de Dieu. La seule solution, à mon avis, est la désacralisation de sa personne, comme Luther l’a voulue (voir mon billet Sacralité, Golias Hebdo, n° 567). Et j’ai appelé de mes vœux une nouvelle Réforme, qui d’ailleurs ne saurait être la dernière. Comme disent les Protestants, l’Église réformée doit être toujours à réformer (Ecclesia reformata semper reformanda).

 

Le pape François a bien raison de critiquer ce que précisément son prédécesseur ici défend : le cléricalisme. Sans doute en tant que jésuite est-il habitué en morale à la casuistique, qui implique non pas bien sûr un nihilisme, mais un certain relativisme. Benoît XVI au contraire est psychorigide, et ce n’est pas pour rien que son dernier texte a tant d’échos dans les milieux catholiques conservateurs.

 

D.R.

 

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12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 01:01

Ce mot rare, mais attesté dans Le Robert, signifie dans une de ses acceptions l’action d’expurger un livre ou un auteur. Ainsi j’ai appris que des missionnaires britanniques, venus au XIXe siècle dans les Caraïbes pour convertir les Africains réduits en esclavage, y sont arrivés armés d’une version fortement révisée de la Bible, en l’expurgeant de tous les passages pouvant inciter à leur rébellion. Ils voulaient leur apprendre à lire dans le but de les initier au christianisme, mais en même temps ne pas mécontenter les planteurs locaux en semant dans l’esprit des esclaves des désirs d’indépendance (Source : Smithsonian.com, 04/01/2019).

 

Cette Slave Bible, consultable dans le Musée de la Bible à Washington, est considérablement réduite à 14 livres (contre 66 pour la version protestante, 73 pour la romaine, et 78 pour l’orthodoxe). Y ont disparu par exemple Jérémie 22/13 : « Malheur à celui qui bâtit sa maison par l’iniquité, et ses chambres par injustice ; qui utilise le service de son voisin sans salaire et ne le donne pas pour son travail. » Ou encore Exode 21/16 : « Celui qui vole un homme et le vend, ou s’il est trouvé dans sa possession, il sera certainement mis à mort... » Et à leur place les missionnaires ont souligné des passages qui encourageaient la soumission, comme Éphésiens 6/5 : « Serviteurs, obéissez à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans l’unité de votre cœur, comme devant Christ. » – On vérifie là, par parenthèse, l’extrême polysémie de cette même Bible, que j’ai illustrée dans mes Lettres sur la vie (éd. BoD, 2019).

 

L’essentiel pourtant dans le destin du peuple juif, tel qu’il est raconté dans l’Exode, étant la sortie d’Égypte et la délivrance de l’esclavage, il a fallu tout de même un certain culot, de la part des missionnaires, pour expurger de la Bible ce thème majeur. Et l’hypocrisie ici est à la mesure du décalage.

 

La leçon à en tirer ? Il faut se mettre en quête, quand on veut lire un livre, de son texte intégral, non expurgé de telle ou telle façon (et le lire aussi, si on le peut, dans la langue originelle). Les intentions de ces censures et caviardages peuvent être diverses, mais le résultat est également dangereux. Ce qu’on choisit peut contredire totalement l’ensemble de ce qui est dit. Comme disait le Cardinal de Richelieu : « Donnez-moi deux lignes de quelqu’un, et je le ferai pendre. »

 

Slave Bible (Musée de la Bible) - D.R.

 

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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