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18 décembre 2021 6 18 /12 /décembre /2021 02:01

Q

ue mangerait Jésus ? Aux États-Unis les rayons des librairies regorgent de livres pro­posant des régimes alimentaires autour de cette si importante question…

 

Le Régime du Créateur, Le Régime Alléluia, Le Corps selon Dieu… tels sont quelques uns de leurs titres. Ainsi l’auteur de Maigrir pour la vie s’exclame-t-il : « Vous voulez que le monde vien­ne à Jésus ? Vivez comme lui, ressemblez-lui. Faites en sorte que quand les gens vous voient, ils voient le Christ en vous. »

 

C’est aussi le but que se fixait autrefois l’auteur de L’imitation de Jésus-Christ. Seulement il n’avait pas en vue l’amaigrissement du corps, mais le salut de l’âme – même si, à force de privations dues à une mortification quotidi­en­ne, le second pouvait entraîner le premier.

 

L’auteur de Que mangerait Jésus ? nous invite à ne pas nous laisser dominer par la chair et manger n’importe quoi : « Beaucoup de gens n’auront pas une alimentation équilibrée tant qu’ils ne seront pas responsables et qu’ils ne se demanderont pas : ‘Est-ce que Jésus mangerait ça ?’ avant de l’avaler. »

 

Selon ces auteurs, le régime christique était à base de céréales, de fruits frais, de graines et de noix. Aux diététiciens de dire s’il est bon. Mais si les gens qui le suivent ne perdent pas de poids, n’auront-ils pas l’impression d’être de mauvais chrétiens ?

 

On sait aussi les ravages qu’on fait certains régimes sectaires, par exemple celui de la macrobiotique, dénoncé par Roger Ikor après le suicide de son fils qui en était adepte.

 

On peut s’interroger sur cette « jésulâtrie », ainsi que sur cette vision extrêmement utilitaire et instrumentalisante de la religion. D’ailleurs où ces auteurs ont-ils pris cette certitude sur ce que mangeait Jésus ? Si on s’en reporte aux textes au contraire, contre les prescriptions alimentaires extrê­­mement restrictives des juifs, il a dit qu’on peut manger n’importe quoi, ou ce qu’on veut.

 

Car l’important n’est pas là. Il n’est pas dans ce qu’on ingère, mais dans ce qui sort de nous : paroles, regards, actions, etc ., qui peuvent aussi bien sauver que tuer, suivant l’intention qui s’y manifeste :

 

« Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller ; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille. » (Marc 7/15)

 

À l’évidence, cette seule règle de vie annule tous les régimes…

 

> Article paru dans Golias Hebdo, 26 mars 2009

 

D.R.

***

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

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14 décembre 2021 2 14 /12 /décembre /2021 02:01

E

lle remplace aujourd’hui la supériorité de naguère. Il y a maintenant une volonté d’être connu à tout prix, et d’en tirer le plus grand profit financier possible, sans aucune vergogne. On le voit très bien dans une affaire qui vient d’éclater au Royaume-Uni, et qui laisse rêveur.

 

Je veux parler de cet adolescent britannique de treize ans qui vient d’être père d’un enfant après sa relation avec une adolescente de quinze. La famille de ce « papa bébé » a voulu monnayer cet exploit, et a vendu les droits d’interview exclusive à tel tabloïd à grand tirage. Le comble dans cette histoire est que d’autres adolescents se disputent maintenant la responsabilité de cette paternité, prétendant eux aussi avoir eu des relations avec la jeune fille.

 

La leçon qu’on en tirera naturellement est qu’il suffit de faire des bébés, même dans les conditions les plus scabreuses, pour gagner le plus d’argent possible et pour passer à la télé. Aucun scrupule moral ne retient dans ce cas : on n’y voit plus d’abjection.

 

On connaît le cas d’Érostrate, qui ne supportant pas d’être inconnu incendia une des sept mer­veilles du monde, le temple d’Artémis à Éphèse. En un sens il a réussi, puisqu’on se souvient encore de son nom ! Et ce dernier fait encore le titre d’une nouvelle de Sartre dans Le Mur.

 

Les valeurs changent dans l’histoire des hommes. La Référence suprême aussi. Au « Dieu me l’a dit » des périodes religieuses, au « C’est écrit dans tel ou tel livre » des périodes humanistes suivantes, succède maintenant le « Vu à la télé ». L’Évidence a maintenant changé : les vies dansent dans une euphorie aveuglée.

 

Aujourd’hui, selon le mot d’Andy Warhol, chacun peut avoir son quart d’heure de célébrité. C’est vrai, tout peut arriver. Mais on oublie que quand tout peut arriver, rien n’est intéressant, ne surprend vraiment, ne sort du lot. Toutes choses se banalisent, y compris les pires. Drôle d’épo­que, que celle où l’on se fait maintenant un motif de gloire de ce dont autrefois on se serait fait un sujet de honte !

 

Espérons tout de même, mais peut-être sans trop y croire, que les esprits se reprendront un jour, et écouteront de bien anciennes paroles, en admettant qu’elles puissent leur dire encore quelque chose :

 

« Quels fruits portiez-vous alors ? Des fruits dont vous rougissez aujourd’hui. Car la fin de ces choses, c’est la mort. » (Romains 6/21)

 

Article paru dans Golias Hebdo, 5 mars 2009

 

D.R.

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Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
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8 décembre 2021 3 08 /12 /décembre /2021 02:01

U

n bel exemple en est aujourd’hui l’usage constant du selfie. Les dangers en sont d’ailleurs tout aussi constants.

 

Ainsi un touriste saoudien qui se prenait en selfie sur les bords du Nil en Ouganda est tombé et est mort noyé. « Il a glissé parce que le sol était mouillé et qu’il s’est penché en arrière pour se prendre en selfie avec les eaux bouillonnantes en arrière-plan », a dit la porte-parole de la police, précisant que son corps avait été retrouvé à quelque 10 km en aval. Selon une étude du All India Institute of Medical Sciences de 2018, les accidents de selfies ont fait 259 morts dans le monde entre octobre 2011 et novembre 2017 (Source : AFP, 09/04/2019).

 

Je me demande d’où vient cette manie si répandue maintenant de se prendre en photo à tout bout de champ. Ce qui intéresse nos contemporains est moins ce qu’ils voient que leur propre image, qui occulte le reste et les dispense de le voir directement. Ici, ce sont des chutes d’eau grandioses. Ailleurs, ce sera une œuvre d’art dans un musée, etc. Dans les deux cas, ni le paysage ni l’œuvre d’art ne sont vus vraiment, puisqu’on leur tourne le dos. Ils ne sont que prétexte à une mise en scène de soi.

 

Elle présuppose un parfait contentement de soi-même, une parfaite satisfaction. Et c’est là ce qui me paraît suspect. Certes je sais bien que le fait de ne pas s’aimer peut être le signe d’une dépression. Mais il ne faut pas le confondre avec un certain mécontentement de soi qui peut être aussi l’ouverture vers autre chose que l’on entrevoit, et à laquelle on aspire dans une tension véritablement humanisante.

 

Dans L’Homme unidimensionnel, Marcuse critique la « conscience heureuse » très répandue chez les modernes, qui signifie ce qu’il nomme la défaite de la Transcendance. C’est le propre des esprits matérialistes, qui oublient que l’homme passe infiniment l’homme, selon la formule de Pascal. Ils trouvent dans le bonheur et le contentement de soi l’oubli de cette petite voix intérieure, qui nous dit ou devrait nous dire que nous ne sommes pas (vraiment) ce que nous sommes (ordinairement). C’est la voix de l’âme, qui nous institue en humanité, et qui est maintenant étouffée.

 

Il faut chercher l’homme dans l’idéal qu’il se propose, et non dans la complaisance affichée à soi-même. Comme disait Nietzsche dans son Zarathoustra : « Le plus méprisable des hommes est celui qui ne sait plus se mépriser lui-même. »

 

[v. Narcissisme (I), Pied]

 

6 juin 2019

 

D.R.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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