C’est l’image que donne aujourd’hui Internet, où l’odieux le dispute à l’obscène, et aussi à cette bêtise qui, on le sait, est la seule réalité qui puisse nous donner une idée de l’infini. Dans cet égout, à la courageuse faveur de pseudonymes, les internautes se vautrent à qui mieux mieux.
Voici un exemple de cette fange nauséabonde. Le nom d’Andreas Lubitz, copilote de l’Airbus A320 de Germanwings qui s’est écrasé dans les Alpes, a été repris et exploité sur la Toile et les réseaux sociaux. Soupçonné d’avoir provoqué volontairement la chute de l’avion mardi 24 mars dernier, de nombreux profils homonymes ou à son effigie ont vu le jour sur Facebook et Twitter. Mais le pire est qu’il y a des pages qui le glorifient. En effet, y fleurissent des mentions comme « artiste », ou encore « héros de l’État islamique ». On sait pourtant qu’à ce jour aucun lien n’a été établi entre Andreas Lubitz et une quelconque organisation terroriste (Source : 6Medias, 27/03/2015).
Maintenant on s’autorise tout, on ne voit plus d’abjection à rien, on n’a plus aucun élémentaire respect pour la douleur des victimes. Bien sûr on pourra toujours dire que ces faux profils au nom du copilote relèvent juridiquement de l’« usurpation d’identité ». De même, l’expression de « héros de l’État islamique » tombe assurément sur le coup de la « loi Cazeneuve » du 13 novembre 2014, punissant « le délit d’apologie du terrorisme ». Mais enfin, indépendamment de tout cela, je me demande comment certains esprits peuvent être aussi dérangés, et insoucieux de ce qu’ils profèrent, pour en arriver là. Internet devient l’image d’un total n’importe quoi, avec résonance mondiale. C’est la différence avec le café du commerce d’antan, où le n’importe quoi des clients ivres n’en dépassait pas les portes. On voit sur la Toile une animosité chronique, des agressions sans mesure, voire des lynchages en direct. Quel dégoût donne cet égout ! Je reprendrais volontiers quant à moi la parole de saint Polycarpe, dont Flaubert avait fait sa devise : « Dans quel siècle, mon Dieu ! m’avez-vous fait naître ! »
Continuez ainsi, mes chers contemporains, et vous perdrez jusqu’à la poussière de votre nom !
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Nota : Un recueil de toutes les chroniques précédentes, que j'ai données à Golias Hebdo de fin décembre 2008 à début mars 2014, est disponible en version enrichie, avec regroupement thématique des notions, et assorti de nombreux liens internes et externes facilitant son exploitation, sous forme de livre électronique multimédia :
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