« En art, comme dans toute œuvre humaine, l’important est le contenu. » J’ai pensé à cette phrase de Hegel dans son Esthétique en regardant sur Arte, dans la soirée du dimanche 5 avril dernier, l’émission Mozart superstar, qui a suivi la diffusion du beau film de Milos Forman, Amadeus. Sans hésiter on a comparé Mozart à des icônes modernes de la pop, comme Michael Jackson, ou les Beatles. On a souligné chez celui-là le même souci de se faire connaître à tout prix qu’il y a eu chez ceux-ci, le désir d’arriver, de suivre un « plan de carrière », etc. Bref une même stratégie de communication, souvent programmée familialement : on sait le rôle joué par le père dans la trajectoire de Mozart et de Michael Jackson.
Tout cela est bel et bon. Mais enfin ne concerne que la forme dans le destin de ces artistes. Rien n’a été dit du contenu de leur production elle-même. Ou plutôt si : on a posé ces contenus comme parfaitement équivalents, puisque, à part une intelligente interrogation de Philippe Sollers sur la durée des œuvres dans le temps, il a été affirmé que dans quelques siècles les artistes pop en question seront les égaux du compositeur autrichien. Un soi-disant critique a même dit que l’œuvre de ce dernier n’était pas exempte de vulgarité, et que certains passages (qu’il s’est bien gardé de nommer) annonçaient André Rieu. M’est revenue alors la réflexion du moraliste, selon lequel c’est un trait de petitesse d’esprit que de louer modérément !
Par une analogue irréflexion, une pianiste a dit que par rapport à Schubert, trop rêveur et introverti, ou à Bach, trop obnubilé par Dieu, Mozart était plus « sexy » ! Quelle absurdité que de comparer des esprits si différents, et de choisir entre eux ! Sauf à penser que l’amusement, le fun, doivent passer avant tout, ce qui est en effet le propre de notre modernité.
C’est le règne de l’égalisation de tous les contenus, du nivellement généralisé. Déjà à la fin du 19e siècle les nihilistes russes disaient qu’« une paire de bottes vaut Shakespeare ». Contre ce relativisme mortifère, qui est l’apanage et le socle des esprits médiocres, défendons entre les artistes et les œuvres l’existence indubitable d’une hiérarchie.
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