L’écrivain et académicien Max Gallo, 83 ans, a annoncé jeudi qu’il était atteint de la maladie de Parkinson, estimant à cette occasion que « nous avons toujours la liberté d’en finir avec nous-mêmes. » (Source : AFP 28/05/2015)
Je trouve cette déclaration très honnête, et remarquable de la part d’un homme qui s’affirme chrétien. Reconnaissant que ce point de vue était « contesté, contestable et discutable », il a souligné que là était une « liberté qui nous est donnée », et « une manifestation de la sollicitude de Dieu, qui en donnant cette liberté dit aussi qu’on peut y renoncer » (même source). Nous sommes loin de l’anathème jeté depuis longtemps par l’Église sur les suicidés, qu’on refusait d’enterrer chrétiennement parce qu’ayant manqué de cette vertu cardinale qu’est l’espérance. Dans Le Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc, Péguy fait dire à son héroïne que n’y aurait-il qu’un seul damné sur la terre, ce serait Judas, non point pour avoir trahi Jésus, mais pour, l’ayant fait, être ensuite allé se pendre, donc ayant manqué d’espérance en la mansuétude de Dieu. Et dans Le Porche du mystère de la deuxième vertu, l’espérance est présentée comme la vertu la plus importante. Effectivement on qualifie souvent celui qui met fin à ses jours de « désespéré ».
Les Anciens considéraient le suicide, non pas comme une lipotaxie, un abandon de poste ou une désertion, mais comme la voie de la liberté. C’est ce que pensaient, par exemple, Cicéron méditant sur le suicide de Caton d’Utique, et ensuite Sénèque. Voyez, de ce dernier, citant Épicure : « Il n’y a aucune nécessité de vivre dans la nécessité » – In necessitate vivere necessitas nulla est. (Ad Lucilium, I, 12) Et quand on n’avait pas le courage de se tuer soi-même, on se faisait tuer par un proche, un esclave, un ami, etc. Voyez là-dessus le film de Bresson, Le Diable probablement (1977), qui reprend ce scénario.
Il est barbare, au nom d’une prétendue sacralité de la vie, donnée par Dieu et que seul Dieu peut reprendre, d’exclure cette option. Pour revenir à nos vertus cardinales ou théologales, je dirai que le suicidé manque peut-être d’espérance, mais ceux qui le condamnent a priori manquent de charité.
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Nota : Un recueil de toutes les chroniques précédentes, que j'ai données à Golias Hebdo de fin décembre 2008 à début mars 2014, est disponible en version enrichie, avec regroupement thématique des notions, et assorti de nombreux liens internes et externes facilitant son exploitation, sous forme de livre électronique multimédia :
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