Elle caractérise l’état actuel du monde, en particulier la situation géopolitique. On ne sait plus aujourd’hui si les amis de nos amis sont aussi nos amis, pas plus que si les amis de nos ennemis sont aussi nos ennemis. Tel état commerce avec tel autre, qui par ailleurs favorise en sous-main les intérêts des ennemis du premier. Ou pour mieux dire, les états aujourd’hui ont beaucoup moins de pouvoir que certains intérêts privés qui se manifestent en leur sein, et qui ignorent la politique étatique affichée. C’est l’argent qui est la vraie puissance.
Autrefois tout était clair, les ennemis étaient bien localisés, « héréditaires » parfois : pour la France, l’Angleterre, ou bien l’Allemagne, etc. On savait nettement contre qui on se battait. Mais aujourd’hui la confusion est totale. Cela peut aller jusqu’à l’intime même des familles : « Car le fils méprise le père, la fille se soulève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère ; chacun a pour ennemis les membres de sa famille. » (Michée, 7/6) Et la leçon finale est prévisible : « Tout royaume divisé contre lui-même court à la ruine ; aucune ville, aucune famille, divisée contre elle-même, ne se maintiendra. » (Matthieu 12/25)
C’est une crise des valeurs, où tout se brouille : on ne sait qui l’on doit suivre, et pas plus qui l’on a en face de soi. La réalité aujourd’hui est au moins bifrons, à deux visages, comme Janus. De cette ambiguïté axiologique généralisée, Shakespeare s’est fait l’écho par la voix des sorcières de Macbeth : « Le beau est affreux, et l’affreux est beau ».
Il n’est donc pas étonnant que l’individu désorbité et esseulé cherche un sens qui ne soit pas le non-sens profond de la seule idéologie planétaire reçue aujourd’hui : la religion néolibérale, la loi du marché, et le culte de la consommation. La radicalisation dont on parle tant aujourd’hui est, comme son nom l’indique, la quête de racines. Cela fait le lit des théo-fascismes actuels, qui ne prospèrent que dans le désert du politique, désorienté et impuissant devant les options incompréhensibles d’un monde mondialisé.
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