Après les attentats du 13 novembre, Manuel Valls a déclaré « qu’expliquer de tels actes, c’est déjà vouloir un peu les excuser ». Devant le tollé suscité par ces propos, spécialement dans le milieu des sociologues, il a essayé de les adoucir, en opposant « expliquer » à « comprendre », mais cette nuance sémantique est apparue bien floue, et n’a guère convaincu (Source : lefigaro.fr, 21/03/2016).
Ce n’est pas la première fois que notre Premier ministre récuse l’explication des événements et des idées, au bénéfice de l’anathème et de l’ostracisme. Ainsi a-t-il déclaré l’an dernier à l’adresse d’une jeune députée du Front National : « Madame, jusqu’au bout je mènerai campagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n’êtes ni la République, ni la France. » Loin de lui donc a été l’idée d’« expliquer » ou de « comprendre », comme on voudra, ce mouvement : il lui a suffi de le condamner aveuglément. Il ne s’est pas demandé sur quel terreau social il a poussé, pas plus que si les pulsions secrètes qui habitent ses adhérents n’habitent pas en tout homme « ordinaire » : pour voir tout cela, et donc être à même de s’en défendre, il eût fallu un effort intellectuel qu’il n’a pas consenti (je l’ai explicité dans mon article « Stigmatisation », Golias Hebdo, n°377).
Analogue à la sienne est l’attitude de ceux qui ont vu dans Eichmann, le bourreau d’Auschwitz, un monstre diabolique, dont la conduite, incompréhensible à la raison, n’appelait rien d’autre que répulsion de principe, jugement et condamnation. On sait qu’au contraire Hannah Arendt défendit l’idée que la pensée pouvait s’exercer sur ce cas-là. J’ai défendu cette attitude dans mon article « Mal » (Golias Hebdo, n°425).
Refuser l’explication, qui n’est pas l’approbation, c’est faire le lit de l’obscurantisme. La diabolisation de l’ennemi, qu’il soit djihadiste ou fascisant, ne fait rien avancer. Seule la réflexion le permet. Tout comportement a des causes, qu’il faut rechercher. Exactement comme en médecine : s’en prendre simplement au symptôme ne guérit pas de la source du mal. On ne fait pas tomber la fièvre en cassant le thermomètre.
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