Voici un extrait de mon livre Comprendre la culture générale. Il en montre l'orientation d'ensemble : l'idée centrale de ce livre est celle de construction symbolique.
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Peut-être l'intérêt des constructions symboliques, et des récits qui les sous-tendent et les portent, est-il là : dans la fuite qu'ils permettent loin des conflits et des tensions, en nous permettant de croire, ou en nous donnant l'illusion de penser, qu'ils peuvent se résoudre. Le mythomane croit à ses propres récits : il fuit, dit-on, dans un monde illusoire. Mais biologiquement, il y a une nécessité vitale de la fuite : un fou ne développe pas de cancer. Il faut lire ici le livre de Laborit, au titre paradoxal : Eloge de la fuite.
Bergson a appelé « fonction fabulatrice » cette réponse de la création et de l'expression humaine toute entière à l'angoisse intérieure, et au silence du monde. L'univers, disait-il, est une « machine à faire des dieux ». Comme la petite fille d'Andersen allume dans la nuit ses allumettes l'une après l'autre pour se réchauffer ou s'éclairer, ainsi l'homme construit ses fictions éphémères et toujours recommencées.
L'homme parle avant et devant la mort. Le plus célèbre conte de la littérature arabe dit qu'une jeune fille a triomphé d'un roi jaloux et inquiet en lui racontant chaque nuit une histoire nouvelle et guérisseuse. La culture entière est là : ou bien le roi se contente de posséder le corps de Shéhérazade, et après il est triste ou n'a aucune raison de ne pas continuer de l'être (omne animal post coïtum triste), et il peut la tuer comme il le fait de toutes les vierges qu'il a possédées auparavant ; ou bien ensuite il l'écoute, et il se sauve par l'imaginaire et l'exploration de scénarios de l'existence différents du sien. Le roi est l'homme bloqué et inhibé. Le récit des Mille et une Nuits a une fonction thérapeutique, cathartique, au moyen de laquelle le roi échappe à la tristesse et à la pulsion de mort qui l'habite, au labyrinthe de fantasmes régressifs qui le nouent. Il faut délabyrinther l'âme. Shéhérazade se libère par le récit, et elle libère l'âme du roi par le récit. Elle est l'âme du roi, et elle est l'homme, parlant avant la mort, et face la mort.
Constructions symboliques, fictions et mythes, sont des remèdes de l'âme.
(Extrait du chapitre 5, L'homme symbolique)
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Nota : Ce livre est encore disponible chez l'éditeur en version papier. Mais une version électronique multimédia, considérablement enrichie, en sera bientôt réalisée et commercialisée.
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DR DR L'homme tourne en réalités, Autant qu'il peut, ses propres songes : Il est de glace aux vérités Il est de feu pour les mensonges... (La Fontaine) *** Nota : Ces 4 dessins montrent que nou...
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