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Le tribunal administratif de Melun a reconnu jeudi 19 juillet un « préjudice d’anxiété » à des enseignants du lycée Adolphe-Chérioux, à Vitry-sur-Seine, au motif que l’État ne leur a pas assuré une protection suffisante. L’établissement ne possédant pas de barrière, des éléments étrangers pouvaient s’y introduire, et y répandre la peur. D’où un climat d’insécurité permanente pesant sur les élèves et les professeurs, contraints de s’enfermer dans leurs salles de cours pour se mettre à l’abri de la violence environnante.
Cette décision judiciaire est une première en France, et pourrait faire jurisprudence. On connaissait déjà le « droit de retrait » qui permet à chaque agent confronté à un danger « imminent » d’arrêter son travail sans s’exposer à des pénalités. Mais ici l’affaire a été jusqu’à l’épreuve de force devant un tribunal, et chaque professeur a obtenu 500 euros chacun, pour son « préjudice d’anxiété ». Pourront donc désormais exciper de ce jugement tous les personnels en contact direct avec le public, guichetiers d’accueil, agents de Pôle emploi, chauffeurs de bus, etc., susceptibles d’être en situation d’insécurité.
Personnellement je pense qu’il y a bien longtemps que pareille nouvelle aurait pu nous parvenir, tant les paroles et actes qu’on dit pudiquement d’« incivilité », mais qui sont en réalité de violence, se produisent dans l’enceinte des établissements.
En tant qu’ancien professeur je l’atteste : dans une classe ordinaire du second degré, aucun cours ne peut se faire calmement, c’est-à-dire sans qu’il y ait bavardage constant (je ne parle pas de chahut organisé), plus de cinq minutes. Ce n’est pas pour rien qu’en période de chômage généralisé la totalité des postes mis au concours de recrutement des professeurs du secondaire ne peut pas être pourvue. Mieux vaut en collège ou lycée être professeur d’arts martiaux que professeur traditionnel.
La vérité est que chacun a peur. Les élèves des mauvais sujets, le professeur des élèves, le directeur des scandales et des parents, le ministre de l’impopularité, etc. Finalement, anxiété et peur, cela revient au même. Comme le dit le cinéaste Fassbinder, La Peur dévore l’âme (éd. L’Arche, 1997). Il faudrait assurément un sursaut. Mais vu l’état général des esprits, la paralysie et la veulerie générales, la délivrance me paraît bien problématique.
2 août 2012
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Nota : Ce texte est aussi publié en volume. Retrouvez-le, avec toutes mes chroniques revues et enrichies, réunies sous forme de livres édités chez BoD en version papier et en version électronique, et constituant une collection de plusieurs tomes :
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