Un fragment de bois, d’environ un centimètre de large sur 2,5 centimètres de long, issu de la mangeoire dans laquelle fut déposé Jésus à sa naissance, a regagné Bethléem où les fidèles pourront le vénérer. C’est un don du pape François, l’ensemble du « berceau » restant à Rome, car trop fragile pour être transporté (Source : vaticannews.va, 29/11/2019).
Cette mention du berceau de Jésus appartient à l’habituel storytelling évangélique, qui a recouvert le message initial, la Bonne Nouvelle ou l’Évangile du Christ (Evangelium Christi), par l’Évangile au sujet du Christ (Evangelium de Christo). Les fidèles en effet sont friands de détails narratifs qui leur permettent de rêver et de se projeter par empathie (Einfühlung) sur des scènes concrètes. On trouvera la source textuelle unique du berceau-mangeoire de Jésus en Luc 2/7.
Je n’insiste pas sur la « vérité » de cette relique, en tous points comparable à celles que Calvin a critiquées dans son Traité des reliques. En un sens, comme le pensent les « symbolo-fidéistes », est vrai ce à quoi l’on croit...
Mais il me semble qu’en toute rigueur théologique on devrait bien distinguer la naissance de Jésus, dont parle le Symbole des Apôtres, et son Incarnation, dont parle le Symbole de Nicée. Ce sont deux scénarios très différents, comme le sont d’ailleurs ces deux Credos eux-mêmes (j’ai exploré cette différence dans mon ouvrage Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, éd. BoD, 2018).
Si on croit à la « naissance », on choisit la proximité humaine du message, et on peut figurer alors l’Enfant-Jésus, le Jesu Bambino des Italiens, bébé tout nu qui se tortille dans tous les sens dans leurs tableaux et ceux qui s’en inspirent. Mais l’Incarnation implique une tout autre prudence : le Logos incarné n’a rien à voir avec un bébé Cadum. L’icône orthodoxe ne le figure jamais ainsi, en le montrant toujours vêtu.
Remarquez qu’à l’arrivée c’est l’inverse qui se produit : chez nous, le cadavre repoussant de Jésus mort, et en Orient chrétien son corps glorieux (par précaution, le Symbole de Nicée ne parle même pas de sa mort). Comme si partir de l’humain obligeait à aller des chairs roses du bébé à la putréfaction du cadavre.
Du berceau, on va à la tombe, c’est la loi de l’existence. Mais l’autre scénario sus évoqué, l’écoute attentive d’une Parole, est tout autre, anticipe l’éternité, et permet de passer de la mort à la vie (Jean 5/24).

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