C’est un type de gouvernement émanant directement de Dieu, dont les dirigeants tirent leur pouvoir. On pourrait le croire étroitement circonscrit à quelques pays, mais il peut en exister des traces dans un régime démocratique même. C’est à quoi j’ai pensé en voyant à la télévision le président états-unien brandissant une Bible à quelques pas de la Maison Blanche, devant une chapelle incendiée la veille par des manifestants : ces derniers protestaient à la suite de la mort par étouffement d’un afro-américain, causée par un policier.
J’ai été frappé par l’absence totale dans la bouche du président de la moindre parole d’excuse, ou tout au moins de compassion. Bien plutôt il considère comme normal que les armes de la police parlent quand on dévalise les magasins, il ne cesse de tweeter Law and Order (Loi et Ordre), et il a même menacé de faire intervenir l’armée pour mettre fin aux manifestations, au risque de créer une guerre civile dans son propre pays. Bref il fait comme si ce qui s’est passé n’avait pas eu lieu. En fait cela n’est pas grave pour lui, car il tire son pouvoir de Dieu, il a la Bible, qu’il brandit comme un étendard.
L’a-t-il lue seulement ? Sait-il que les Prophètes dans cette même Bible critiquent constamment l’injustice sociale et la morgue des puissants ? Et d’autre part s’il sacralise la Bible, s’il croit à son inerrance (qu’elle ne se trompe pas), oublie-t-il que si on réfléchit un peu on voit bien que la Bible n’est pas le livre de Dieu, mais le livre d’hommes parlant de Dieu ? Elle n’est pas un étendard pour se protéger, mais un recueil d’expériences humaines à méditer.
Je pense bien sûr qu’il n’a pas pensé si loin, et que cet épisode a été le résultat d’une mise en scène bien calculée, pour se montrer comme un dirigeant en quelque sorte de droit divin, et pour flatter le conservatisme effrayé de ses supporters, en vue de sa prochaine réélection.
En vérité, cette collusion entre le pouvoir temporel et la religion n’est pas étonnante en un pays qui ignore la différence entre Dieu et César, âme même de la laïcité, où le président jure sur la Bible lors de son entrée en fonctions, et où même la croyance en Dieu est lisible jusque sur les billets de banque (In God we trust). De là au « Dieu est avec nous » (Gott mit uns) des nazis, la transition pourrait être naturelle. C’est un terreau extrêmement dangereux qui permet toutes les instrumentalisations.

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