C’est un très beau mot, et le troisième de la devise de notre république. Le pape François vient de l’utiliser comme titre de sa dernière encyclique défendant tous les exclus de la terre, en reprenant une expression de saint François d’Assise : Tous frères (en italien Tutti fratelli). Tout empreint de spiritualité franciscaine, le contenu en est très généreux et inclusif.
Mais que n’a-t-il pensé à employer pour son titre l’écriture dite elle aussi inclusive, qui a l’ambition d’adjoindre toujours systématiquement le féminin au masculin ! En effet le titre de l’encyclique a été jugé avant même sa publication « sexiste » dans plusieurs pays, dont les États-Unis, le mot « frères » pour eux ne pouvant s’entendre qu’au masculin et donc excluant les femmes. (Source : lefigaro.fr, 21/09/2020)
Cette réaction procède d’une grande ignorance, « frères » pouvant avoir en italien comme en français, et aussi dans d’autres langues, une même connotation universelle selon le contexte. C’est alors un terme non genré, significatif d’un phénomène fréquent dans les langues qui n’ont pas de neutre. Il équivaut un peu, mutatis mutandis, aux termes dits épicènes, qui ont les deux genres : par exemple, en français, « enfant », « élève », « secrétaire », etc.
Ainsi, le célèbre « Tous les hommes sont frères » dans l'Ode à la Joie de Schiller, repris à la fin de la neuvième symphonie de Beethoven, dans un morceau chanté devenu l'hymne officiel de l'Union européenne, signifie simplement : « Tous les êtres humains s'aiment d'un amour égal ». Les termes « hommes » et « frères » ici ne sont pas genrés. Il en est de même pour le Fratelli d'Italia !, de l'hymne national italien.
Il y a un zèle malvenu à chercher partout un motif d’attaque et de polémique, et la vraie connaissance des choses n’est pas toujours inutile. Par exemple cette écriture inclusive dont je viens de parler, outre le fait qu’elle est impraticable sérieusement et très dangereuse pour l’apprentissage de la langue, exclut en fait au lieu d’inclure, puisqu’elle brise un ensemble en spécifiant et catégorisant. Si j’écris : « Les candidat(e)s ont été convoqué(e)s », j’opère une scission dans le groupe « les candidats », qui n’est pas masculin dans la langue mais affecté d'une valeur globale ou générique, et cette distinction crée finalement une différence entre les sexes pouvant mener à leur opposition. Cette dernière n’est, hélas !, que trop grande généralement : pourquoi vouloir l’amplifier ?
Heureusement que François n’a pas changé son beau titre ! Et en si bon chemin, pourquoi ne pas proposer d’ajouter à notre devise une quatrième notion, et à une « fraternité » dont on ne comprend plus le sens, adjoindre une « sororité » ?
/image%2F1454908%2F20201006%2Fob_4b5ec4_fraternite-illustration.jpg)
***
Retrouvez tous mes articles de Golias Hebdo, publiés en plusieurs volumes, sous le titre Des mots pour le dire, chez BoD. Sur le site de cet éditeur, on peut en lire un extrait, les acheter... Cliquer : ici.
Notez qu'ils sont aussi tous commandables en librairie, et sur les sites de vente en ligne (Amazon, Fnac, etc.).
commenter cet article …