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13 janvier 2021 3 13 /01 /janvier /2021 02:01

Ce qui arrive maintenant au président états-unien sortant en a toutes les caractéristiques formelles. Je pense par exemple à Shakespeare, et en particulier à la fin de Macbeth, lorsque le personnage éponyme devient fou, avant d’être finalement détrôné. Pareillement Donald Trump a de plus en plus persisté à vivre dans un monde parallèle, déniant toute évidence et se cramponnant à ses « vérités alternatives », dans une déréalisation qui est le propre de la folie.

 

Par-delà le drame élisabéthain, on peut remonter à la Tragédie grecque. On sait que l’orgueil humain (hybris) y est toujours châtié par la justice divine (némésis). La cause en est le manque de sagesse et de mesure du personnage central. Et plus haut il est monté, plus bas il se trouve à la fin. Exactement comme la foudre frappe préférentiellement les arbres les plus élevés.

 

Ainsi notre ex-président a cru pouvoir défier le Destin en ameutant ses troupes et en les lançant contre le Capitole à Washington. Moyennant quoi, ce coup d’état ayant échoué, il risque la destitution, ce qui le disqualifie dans la perspective d’une réélection en 2024. Par conséquent l’acharnement aveugle à ne pas reconnaître une défaite électorale, la croyance faraude à une invincibilité personnelle, finissent pour lui par une catastrophe totale : ses derniers amis et soutiens le quittent et font le vide autour de lui. Pour avoir appelé à la violence, il ne peut plus communiquer avec ses followers sur les réseaux sociaux. C’est bien ici le cas de le dire : la Roche Tarpéienne est près du Capitole.

 

Il ne faut pas trop défier la fortune. Elle se venge tôt ou tard. Comme un boomerang, les conséquences de nos actions irréfléchies nous sautent à la gorge. Que n’écoutons-nous les proverbes ? Qui sème le vent récolte la tempête (Osée 8/7) –  Il y a une mesure dans les choses (Est modus in rebus) – Jupiter rend d’abord fous ceux qu’il veut perdre (Quos vult perdere, prius dementat), etc. De l’avoir ignoré, cet « enfant gâté » est aujourd’hui puni. Et on peut dire que cette chute est tout à fait normale, et qu’il y a une justice du Destin.

 

La Tragédie dans sa forme théâtrale essentielle jouait là-dessus, et elle pouvait faire voir qu’une pareille chute était prévisible. Encore fallait-il y avoir accès. C’est affaire de culture, qui est indispensable pour éclairer nos vies. Raison de plus pour ne pas la traiter comme « non essentielle », comme il se voit dans l’actuelle gestion de la crise sanitaire (voir mon billet Culture, Golias Hebdo n°654).

 

D.R.

 

***

 

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commentaires

T
Merci, cher Michel, de ta réponse, d'une haute tenue, comme à l'accoutumée.<br /> "Peuple" et "foule": sans doute, mais je crains que la frontière entre les deux ne soit pas mal effacée, et même que nous ne soyons désormais devant une quasi indistinction, ce qui pourrait être un phénomène récent, et très inquiétant.<br /> Quant à la culture : problème passionnant, qui nous étreint au plus profond. Je connais l'explication par les Lumières aveuglées, ou ivres; elle ne m'a jamais convaincu, peut-être simplement parce qu'elle est très gênante et parfois défendue par des esprits spécieux ; mais, plus sérieusement, peut-on limiter les Lumières, dans leur diversité, à la Raison triomphante, au refoulement du religieux - ce terme pour faire vite ? Dans une certaine réception "confiscante" et scolaire, sans doute. Mais les totalitarismes sont, bien au-delà, guerre à tout ce qui a construit le concept d'humanité, la Bible comme Spinoza, Virgile comme saint Paul (cultivés éventuellement comme objet décoratif), au profit d'un certain naturalisme supposé primitif et pur de toute altération.<br /> Nous n'en sommes pas là. Et défendons, il va de soi, la culture, sans restriction et sans oeillères.<br /> <br /> A un prochain rendez-vous. Bien amicalement. . . .
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T
Je voudrais élargir la perspective, effectuer une mise en situation, et m'interroger sur la culture...<br /> Il faudrait une compétence que je n'ai pas en psychologie sociale pour y voir un peu clair dans l'adhésion massive (quelques dizaines de millions de personnes), à divers degrés, aux errements de Trump, qui n'est pas un fou isolé. A cet égard, je n'ai jamais réussi à trouver d'explication satisfaisante à l'adhésion, également massive, à Hitler. Ceci sans vouloir établir un parallèle inapropprié.<br /> Je m'interroge, sans angélisme, sur l'énorme vague de division (le mot est faible) qui recouvre nos sociétés, dont l'Américain Trump n'est que le symptôme majuscule - qui, par ailleurs, n'a pas fait que des bêtises (ce qui soulève une autre question, que je laisserai de côté)..<br /> Enfin, je ne crois plus - et cela me coûte beaucoup) que la culture raffinée puisse nous prémunir de la pensée primaire et sommaire (euphémisme, là aussi). Le XXe siècle nous a appris que Goethe, Mozart n'empêchaient pas l'inhumanité, et que les clercs trahissaient assez souvent. ..<br /> <br /> Bien amicalement
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W
Merci cher Teddy de ces réflexions qui sont essentielles. - Pour le début, je pense à Gustave Le Bon qui dans sa "Psychologie des Foules" oppose la Foule au Peuple. Si le second est structuré par une croyance et des valeurs, communes, la première suit naturellement ses instincts, et se range aux côtés d'un agitateur démagogique, sans réfléchir. Elle s'animalise, comme Ionesco l'a incarné dans "Rhinocéros". "Le mal, disait Hannah Arendt, est absence de pensée." - Pour le dernier point, je pense à la tragédie de l'Allemagne, pays de haute culture, qui a donné Auschwitz. C'est la tragédie des "Lumières" en général. Elle vient d'un manque de prudence, d'un triomphalisme, d'une survalorisation des pouvoirs de la Raison. Vois ce que dit Baudelaire : "La plus grande ruse du Diable est de nous faire croire qu'il n'existe pas. On encore ce que dit Jung : "A force de nier le Diable, nous avons ouvert toutes grandes les portes de l'Enfer." -Amitiés. Michel

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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