Ce qui arrive maintenant au président états-unien sortant en a toutes les caractéristiques formelles. Je pense par exemple à Shakespeare, et en particulier à la fin de Macbeth, lorsque le personnage éponyme devient fou, avant d’être finalement détrôné. Pareillement Donald Trump a de plus en plus persisté à vivre dans un monde parallèle, déniant toute évidence et se cramponnant à ses « vérités alternatives », dans une déréalisation qui est le propre de la folie.
Par-delà le drame élisabéthain, on peut remonter à la Tragédie grecque. On sait que l’orgueil humain (hybris) y est toujours châtié par la justice divine (némésis). La cause en est le manque de sagesse et de mesure du personnage central. Et plus haut il est monté, plus bas il se trouve à la fin. Exactement comme la foudre frappe préférentiellement les arbres les plus élevés.
Ainsi notre ex-président a cru pouvoir défier le Destin en ameutant ses troupes et en les lançant contre le Capitole à Washington. Moyennant quoi, ce coup d’état ayant échoué, il risque la destitution, ce qui le disqualifie dans la perspective d’une réélection en 2024. Par conséquent l’acharnement aveugle à ne pas reconnaître une défaite électorale, la croyance faraude à une invincibilité personnelle, finissent pour lui par une catastrophe totale : ses derniers amis et soutiens le quittent et font le vide autour de lui. Pour avoir appelé à la violence, il ne peut plus communiquer avec ses followers sur les réseaux sociaux. C’est bien ici le cas de le dire : la Roche Tarpéienne est près du Capitole.
Il ne faut pas trop défier la fortune. Elle se venge tôt ou tard. Comme un boomerang, les conséquences de nos actions irréfléchies nous sautent à la gorge. Que n’écoutons-nous les proverbes ? Qui sème le vent récolte la tempête (Osée 8/7) – Il y a une mesure dans les choses (Est modus in rebus) – Jupiter rend d’abord fous ceux qu’il veut perdre (Quos vult perdere, prius dementat), etc. De l’avoir ignoré, cet « enfant gâté » est aujourd’hui puni. Et on peut dire que cette chute est tout à fait normale, et qu’il y a une justice du Destin.
La Tragédie dans sa forme théâtrale essentielle jouait là-dessus, et elle pouvait faire voir qu’une pareille chute était prévisible. Encore fallait-il y avoir accès. C’est affaire de culture, qui est indispensable pour éclairer nos vies. Raison de plus pour ne pas la traiter comme « non essentielle », comme il se voit dans l’actuelle gestion de la crise sanitaire (voir mon billet Culture, Golias Hebdo n°654).
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