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n ancien adjoint au maire de Villefranche-sur-Saône, qui a été également secrétaire d’État au Tourisme sous Valéry Giscard d’Estaing, vient de déposer devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant la loi punissant le harcèlement sexuel. Les Sages vont devoir se prononcer sur la conformité de cette loi avec la Constitution. Le motif invoqué par le requérant est que la notion de harcèlement sexuel est extrêmement floue.
J’ai toujours pensé de cette façon. Ce « harcèlement » est défini par le Code pénal, à l’article 222-333, dans une loi votée il y a vingt ans, de la façon suivante : « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». À l’évidence, ce texte est un pur truisme. Définir le « harcèlement » comme « le fait de harceler » est tourner en rond. Et pareillement définir « harcèlement sexuel » comme « harceler dans un but sexuel » est une simple tautologie.
Au mieux, ce texte n’a aucune précision : à le lire simplement, le citoyen n’est pas en mesure de savoir ce qu’il peut ou ne peut pas faire pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Or cette connaissance est pourtant un des fondements de la Constitution.
Deux dangers symétriques et inverses guettent un texte aussi flou. Celui de la minoration des fautes, et celui de leur majoration.
En effet, la notion de harcèlement sexuel risque d’être choisie par les juges pour déqualifier des crimes en réalité bien plus graves, comme l’attouchement, l’agression et le viol. Les féministes d’ailleurs veulent elles aussi qu’on précise davantage ce qu’on entend par ce mot de « harcèlement ». Mais en a-t-on vraiment besoin, quand les crimes sexuels sont déjà punis ?
À l’inverse, on peut faire entrer dans la catégorie de harcèlement sexuel des comportements tout à fait anodins, comme le fait de regarder quelqu’un de façon un peu appuyée : dévisager n’est quand même pas tout le temps envisager ! Ce peut même être au contraire dans certains cas un silencieux hommage rendu à la beauté, qui immobilise et sidère souvent, et bien des femmes seraient heureuses, il me semble, d’être ainsi « harcelées ». Quel regret peuvent-elles éprouver quand elles ne le sont plus !
Ne succombons pas aux mœurs états-uniennes, où l’on est obligé de baisser les yeux et de raser les murs quand on croise une femme. Où on ne prend pas avec elle un ascenseur. Où on ne parle pas avec elle dans une pièce sans que la porte soit ouverte. Et aussi où on ne peut caresser la tête d’un enfant dans un jardin public de peur de passer pour un pédophile...
En vérité, on devrait y regarder à deux fois avant de multiplier les lois : c’est bien assez parfois d’appliquer celles qui existent déjà.
[v. Excès]
Article paru dans Golias Hebdo, 26 avril 2012
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