Est-elle la marque de l’amour que Dieu a pour tous les hommes ? Je viens de lire à l’occasion de la mort de l’archevêque anglican Desmond Tutu, dans un florilège de ses citations : « Dieu t’aime tel que tu es. Dieu ne t’aime pas parce que tu es bon. Non, Dieu t’aime, un point c’est tout... Notre relation avec Dieu n’a rien à voir avec notre productivité, avec nos œuvres. » (Source Internet : babelio.com)
Plusieurs remarques se sont présentées à mon esprit. D’abord l’idée selon laquelle Dieu nous aime renvoie à notre désir d’être aimé : être l’objet de sa sollicitude finalise évidemment notre vie, mais cette idée n’est pas exempte d’anthropomorphisme. Spinoza disait même qu’elle détruit la perfection de Dieu, car si Dieu agit pour une fin, il désire quelque chose dont il est privé.
En second lieu, la récusation de la Loi (donc de la valeur des œuvres) au profit seul de la foi caractérise la novation paulinienne, spécialement dans l’Épître aux Romains : « Nous estimons que l’homme est justifié par la foi, indépendamment des œuvres de la loi. » (3/28) Mais ce n’est pas parce que ce christianisme-là a triomphé que ce fut, que c’est encore le seul possible. Ainsi, sans parler de la voie gnostique injustement oubliée, le judéo-christianisme des origines défendait l’orthopraxie traditionnelle, par la bouche de Jacques dans son Épître : « La foi sans les œuvres est morte. » (2/26) Épître que Luther, reprenant l’orientation paulinienne, a qualifiée d’« épître de paille ».
Je pense qu’à récuser l’orthopraxie au bénéfice de la foi et de la grâce seules, on risque d’aboutir à la déresponsabilisation. Ainsi il y a eu en protestantisme des Nécessariens, ou Pécheurs justifiés, qui s’autorisaient de l’amour inconditionnel de Dieu pour faire n’importe quoi. Voir là-dessus mon Petit lexique des hérésies chrétiennes (Albin Michel).
De façon générale même, amour et pardon ne me semblent pas gagner beaucoup à être absolutisés comme inconditionnels. Il y faut au moins des avertissements, des admonestations – un rappel de la Loi. Voyez : « Va, et désormais ne pèche plus. » (Jean 8/11)
Je comprends bien la position de l’archevêque sud-africain. Elle réagit salutairement contre le désir d’acheter Dieu par des mérites personnels, qui existe encore dans la modalité catholique du christianisme. Aussi contre le particularisme du salut qu’on trouve chez Calvin et les prédestinateurs, au nom d’un universalisme sotériologique qui rassure le fidèle. Cependant je trouve un peu naïve cette posture. En quoi il n’est pas étonnant qu’elle ait tant d’écho aujourd’hui. Nous irons tous au Paradis...
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