Par la bouche du cardinal Pietro Parolin, le Vatican vient de s’opposer à un document interne de la Commission européenne, dont le retrait a été annoncé le 30 novembre, et qui préconisait de ne plus souhaiter « Joyeux Noël ! », de façon à respecter d’autres traditions religieuses différentes de celles des chrétiens. Le cardinal a déclaré dans une vidéo de 4 mn : « Nier les racines chrétiennes de l’Europe mettrait le Vieux Continent en danger » (Source : la-croix.com, 30/11/2021)
Je suis tout à fait d’accord avec cette opposition, même si je reste un peu dubitatif quant à l’expression : « racines chrétiennes ». En effet, Noël n’a plus guère aujourd’hui la signification de naguère : c’est plutôt une fête de l’Enfance en général, de sa magie et de ses promesses, qu’une référence au dogme de l’Incarnation. Mais il importe bien sûr de la garder, même pour ce qu’elle est devenue, comme toute fête riche de sens.
Au reste, un christianisme mature peut bien considérer les récits évangéliques de l’enfance de Jésus, comme ceux de l’évangile selon Luc (sans parler de ceux des apocryphes) comme de pures fictions littéraires. Ils font rêver bien sûr, mais il n’y a en eux rien d’historique. Il me semble, comme je l’ai dit dans mon dernier billet de Golias Hebdo, « Consubstantialité », que ce qui doit désormais compter essentiellement en christianisme est la voix de Jésus telle qu’elle nous est rapportée, enseignant une orthopraxie.
Mais de toute façon, le désir de gommer une fête d’origine religieuse sous prétexte de ne pas choquer les autres croyances est une catastrophe anthropologique. L’homme descend du Songe, et le déposséder de ses rêves est le déshabiller de sa substance même. Il y a en lui ce que Bergson appelait une « fonction fabulatrice », et que restera-t-il de lui si on lui ôte ses mythes et ses fictions ?
Que gagne-t-on, à remplacer les vacances de Toussaint par celles d’automne, celles de Noël par celles d’hiver, celles de Pâques par celles de printemps ? On appauvrit surtout l’imaginaire, qui n’a rien à voir d’ailleurs avec le catéchisme dogmatique. Comme Shéhérazade retient par ses récits le bras du Roi qui peut chaque soir la mettre à mort, l’homme parle devant la mort comme le causeur adossé à la cheminée. Ou bien comme la Petite marchande d’allumettes d’Andersen, il se réchauffe à la lumière de ses fictions et se protège de la nuit. Ces manteaux salvateurs, pourquoi vouloir les démanteler ?
Noël, fête de l'Incarnation de Dieu ?
***
> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.
commenter cet article …