On parle beaucoup de l’expression qu’a utilisée notre président lors d’une interview au Parisien, à propos des non-vaccinés : « Je vais les emmerder ». Revenant sur ce propos, il a ensuite parlé d’un langage « familier », qu’il a dit de toute façon « assumer ». Indépendamment du fond de la question, la forme qu’il a employée me semble tout à fait indigne d’un chef de l’État.
Ce langage n’est pas « familier » comme il le dit, mais extrêmement vulgaire. Or un président de la République se doit, ès qualités, d’utiliser un langage sinon soutenu ou élevé, au moins convenable : – ce qu’on attend naturellement d’un homme occupant la plus haute fonction d’un pays. Tous les niveaux de langue ne lui sont pas permis.
Certes on rappelle les dérapages de Nicolas Sarkozy, à propos de « nettoyer les banlieues au karcher », ou de « Casse-toi, pauvre con ! ». Mais ces propos évidemment condamnables étaient simplement oraux, et pour le second simplement surpris, non destiné à la publication. Ici c’est d’autant plus grave qu’il s’agit d’un texte écrit, publié, lisible par tous, avalisé même par l’Élysée qui en a donné l’imprimatur d’après la rédaction du Parisien.
Je ne sais si ce grave écart de langage obéit à de secrets motifs électoraux. Ce n’est pas ce qui me retient. De toute façon, il ne peut être que contre-productif par rapport à son intention : on ne pousse pas les gens à se vacciner en les insultant. Bien plutôt on les dresse davantage contre soi.
On sait que les démagogues utilisent volontiers un langage grossier : l’exemple du précédent président états-unien, très familier de l’insulte, est très instructif là-dessus. Ces mœurs vont-elles s’acclimater chez nous ? On en prend bien il me semble le chemin.
Dans l’Esprit des Lois, Montesquieu défend l’importance dans un régime politique de ce qu’il appelle les « formes ». Viennent-elles à s’effriter ou à disparaître, que tout un système est en péril. On ne sait où un simple écart de langage peut mener à la fin. Comme dit La Fontaine dans Le Lion et le Rat : « Une maille rompue emporta tout l’ouvrage. »
Le chemin est court de l’incivilité à la guerre civile. De toute façon, si maintenant un manifestant déclare haut et fort « emmerder le président », il ne peut à mon avis être poursuivi pour offense au chef de l’État. Sauf à poursuivre aussi ce dernier pour manquement à son devoir d’exemplarité, ou offense à la dignité de sa fonction.
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