Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 décembre 2024 7 01 /12 /décembre /2024 02:01

C

e mot bon-enfant n’a rien que de rassurant. Il s’associe heureusement au besoin que nous avons de nous nourrir, qu’il satisfait pour notre plus grand plaisir.

 

On vient cependant de l’associer à un contexte apparemment tout opposé, celui de la mort. En effet,  une exposition à l’église Westerkerk d’Ams­­terdam a attiré plus de 3.500 visiteurs en leur offrant une panoplie insolite de gadgets funéraires.

 

Parmi eux, la présentation de tombes qui font office de potagers. L’organisateur indique qu’elles peuvent permettre « de rendre hommage à un vieux parent amateur de jardinage, ou plus pratiquement de rentabiliser la superficie occupée. Les plantes sont cultivées dans des récipients autonomes au-dessus de la tombe, ce qui évite tout risque de contamination. » (Source : AFP, 25/05/2017)

 

Cette idée de sépultures légumières choquera certains, qui la verront comme attentatoire à la digité des honneurs funèbres. Mais ils oublient que les funérailles sont faites pour les vivants, et non pour les défunts, et que, selon la phrase évangélique, il faut « laisser les morts enterrer les morts ».

 

Au reste, l’homme vient de la terre, et y retourne. Adam, le premier homme, est « tiré du sol ». Chouraqui traduit même : « le Glébeux ». En latin aussi homo est apparenté à humus, auquel, une fois inhumé, il revient : grande leçon d’humilité. Ramassons donc simplement une motte de terre, et nous aurons à la fois humus, homme, et humilité.

 

Pourquoi récuser alors l’idée d’un grand potager cosmique ? La mort est ce qui prend et donne, lambanôn kai didous, comme le dit Schopenhauer dans sa Métaphysique de la mort. Mourir n’est rien d’autre que ranimer la nature sous une autre forme. « Le don de vivre a passé dans les fleurs », dit de même Valéry dans « Le Cimetière marin ». Tout n’est qu’un Grand Cycle : la fleur vient du fumier, et le fumier vient de la fleur.

 

Maupassant avait dans ses dernières volontés demandé à être enterré sans cercueil, à même la terre au cimetière Montparnasse, pour que sur son corps décomposé pussent naître au plus vite de nouveaux « petits Maupassants » : mais à l’épo­que la procédure réglementée de l’inhumation s’y opposa. Aujourd’hui, grâce aux tombes potagères, les choses pourront peut-être changer !

 

[v. Synchronicité]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 8 juin 2017

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

A
Sagesse des nations:"Fumer les pissenlits par la racine". En certaines régions, les mauves remplacent les pissenlits.
Répondre
T
D'accord pour l'interprétation anti-ritualiste, un fil rouge évangélique.
Répondre
E
Le recyclage est un thème écolo très mode et sympathique, c'est l'idée de "manger" ces plantations qui est quelque peu dérangeante…<br /> sinon quoi de plus serein et romantique que ces vieux cimetières anglais aux modestes pierres moussues parmi les herbes, ou ceux d'orient où paissent les chèvres ? tout vaut mieux que nos lieux sinistres où le marbre arrogant croit encore écraser pour l'éternité les carrés de graviers.<br /> Mais si le souci premier des créateurs (non, pas "LUI", mais ceux d'Amsterdam) est de récupérer de l'espace cultivable, ou peut leur suggérer de retourner quelques parkings ?
Répondre
W
Chez les Parsis de l'Inde on expose les cadavres de façon qu'ils soient mangés par les oiseaux charognards. Dans le "Satyricon" de Fellini les héritiers mangent un cadavre pour obéir à son testament.
C
Humilité vient également de humus!
Répondre
W
... comme je l'ai noté dans l'article.
T
La formule que tu cites est souvent traduite "laisser les morts enterrer (ou ensevelir) leurs morts" (je n'ai pas le texte originel sous les yeux). Son interprétation est difficile. Si on l'attache à son contexte et à son co-texte, elle vise pour la condamner une conception matérialiste ou naturaliste "recyclante" excluant une "vie nouvelle" littéralement indescriptible. Le possessif "leurs" marque avec sévérité cette rupture. <br /> Un peu de cuistrerie peut ne pas faire de mal.<br /> Ceci posé, je n'ai rien contre l'idée de tombes potagères, éloge de la vie, tout en leur préférant les fleurs et plantes décoratives, l'idée de se nourrir " sur les morts ".manquant un peu de hauteur, tout de même.
Répondre
W
Je pense que la phrase évangélique est surtout une condamnation du ritualisme. Hors contexte en tout cas, elle est souvent citée comme telle.

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages