Le soir du lundi 14 mars, le journal télévisé de la principale chaîne de Russie a été interrompu brièvement, après qu’une femme, Marina Ovsiannikova, une employée de la chaîne, est apparue à l’écran brandissant une pancarte portant : « Non à la guerre. Ne croyez pas la propagande. On vous ment. ». Elle a été interpellée. Elle devait être jugée dès le lendemain. (Source : franceinter.fr, 15/03/2022)

Il m’est souvent arrivé de critiquer l’héroïsation officielle des combattants tués dans un conflit, surtout s’il s’agit d’appelés qui ont fait la guerre sans l’avoir voulu. C’est une euphémisation obscène par rapport à la réalité de ce qu’ils ont vécu, et une absolution facile de ceux qui les ont amenés à mourir sur ce Champ d’honneur qui est en vérité un Champ d’horreur, une « boucherie héroïque », selon le mot de Voltaire dans Candide.

Mais ici, j’admire le véritable héroïsme de cette femme, qui a osé braver la folie d’un président russe mégalomane. Croyait-il museler tout son pays, avec ses lois d’exception ? On le craignait, mais on se trompait.

Elle a osé braver le tyran, au péril de sa propre sauvegarde. Notre président lui a proposé une protection, soit à l’Ambassade de France, soit en lui offrant l’asile, et a demandé à Moscou « toute la clarté » sur sa situation. Mais il y a des chances que Vladimir Poutine n’en ait cure.

Il y a parfois dans la vie d’un être humain des moments où en quelque sorte il s’exhausse au-dessus de lui-même. Dans le cas présent, rien ne laissait prévoir cet acte de bravoure, puisque la journaliste travaillait jusque là dans une chaîne faisant de la propagande pour le Kremlin. Elle a dit en avoir honte désormais. Elle a donc opéré sa conversion, comme Paul sur le chemin de Damas. C’est un imprévisible coming out héroïque...

Les occasions nous font connaître aux autres, et aussi à nous-mêmes. A priori, on ne sait pas comment on se comportera dans un moment critique. On en s’en fait souvent une idée flatteuse. Mais seule la réalité de ce qui survient nous fait voir qui nous sommes vraiment. On se révèle par ses actions. Certains s’effondrent, d’autres relèvent la tête. Comme le colonel Beltram chez nous, qui a offert sa vie en échange pour protéger les prisonniers d’un terroriste. Ou encore, comme l’actuel président ukrainien. Qui pouvait prévoir dans l’acteur de séries télé ce qu’il est devenu maintenant ? Merci à eux tous !

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