La guerre russo-ukrainienne est en passe d’y mettre fin. En effet jusqu’à présent les pays occidentaux voulaient faire du commerce avec tous les autres pays du monde, quel que soit leur régime politique, pensant que les intérêts matériels de chacun surpassaient toute autre considération. On pouvait fermer les yeux sur tout le reste, comme la liberté et les droits de l’homme, l’essentiel était de faire des affaires comme à l’habitude : business as usual.
C’est cette illusion qui tombe aujourd’hui. On commence à voir, à l’occasion tragique de ce qui se passe sous nos yeux, que les hommes ne sont pas toujours mus par leurs intérêts, mais aussi par leurs affects, leurs passions.
Il serait intéressant de se demander ce qui a poussé Vladimir Poutine à déclencher son invasion. Je pense que ses intérêts matériels n’ont pas été sa seule motivation. Il y a éprouvé un grand sentiment d’humiliation lors de l’effondrement de l’URSS. Nostalgique de sa grandeur perdue, il n’a pas admis de ne plus être traité comme le chef une grande puissance (Obama a traité son pays de « puissance régionale »). Avec tout cela il a voulu prendre des revanches successives, jusqu’à son agression actuelle. Sans doute aussi a-t-il été mu par la peur, qui s’est tournée en violence, comme je l’ai suggéré (lien). L’intérêt dans tout cela en tout cas est loin d’être tout.
De même, à la différence du patriotisme, qui est cohérent et « rationnel » (défendre son bien), on peut dire que le nationalisme est une passion irrationnelle, et extrêmement néfaste. Il porte la guerre comme la nuée porte l’orage.
Les hommes en général peuvent ne pas prendre en compte leur intérêt, ou le sacrifier, quand ils sont mus par la colère ou le désir de nuire. « Sans souci pour elle-même, pourvu qu’elle nuise à autrui » – Sui negligens, dum alteri noceat : voilà ce que dit Sénèque de la colère dans son De ira. On peut prendre aussi l’exemple des abeilles, qui comme le dit Virgile meurent après avoir piqué celui qui les menace : Animasque in vulnere ponunt – Et elles laissent leur vie dans la blessure. Il y a parfois un total désintéressement même dans l’agressivité.
L’erreur chez nous a été de survaloriser en l’homme le calcul et l’intérêt. L’homme n’est pas que rationnel, ou raisonnable. Son irrationalité éclate aujourd’hui. Mais je ne pleurerai pas sur le monde des affaires, qui voit maintenant s’écrouler ses projets d’enrichissement sans fin.
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