Elle constitue un ensemble organique, où tous les membres sont soudés par des liens biologiques, affectifs, et culturels. Ces liens sont sécurisants, et pour cette raison conviennent à certains. Mais aussi, pour d’autres, ils sont étouffants, et empêchent l’émancipation individuelle. On sait la préférence de Jésus par exemple pour la famille spirituelle, et son hostilité vis-à-vis de la famille biologique. Cette dernière en effet est aléatoire, imposée, tandis que ce qui fait la liberté de chacun est l’option affinitaire : « Le sort fait les parents, le choix fait les amis » (abbé Delille).
Curieusement je m’aperçois que tout ce que je viens de dire s’applique tout à fait au conflit russo-ukrainien, et donne une clé essentielle pour le comprendre. Vladimir Poutine en effet considère l’Ukraine comme une partie de la grande famille russe. Il se voit comme le successeur de l’Empire de Pierre le Grand, où les Grands Russes de Russie devaient en tant que Grands Frères diriger les Russes blancs (les Biélorussiens) et les Petits russes (les Ukrainiens), l’ensemble formant une entité organique soudée, cimentée par la langue russe.
Le problème est que dans cette famille, comme dans toutes les familles, il peut se trouver au cours de l’évolution temporelle des membres qui refusent le mode de vie du Grand Frère, basé sur une idéologie passéiste et mégalomaniaque, sur l’autorité aussi et la violence, pour connaître autre chose, l’expérience de la liberté par exemple. C’est le cas des Ukrainiens, et l’invasion de leur pays n’a fait que les conforter dans le choix d’une opposition libératrice, en sorte que le président russe est en train d’obtenir à maints égards des résultats absolument opposés à ce qu’il cherchait (voir mon article « Ironie », Golias Hebdo, n°722).
La langue russe même dont on peut penser qu’elle modèle ceux qui la parlent au même titre que le lait maternel, n’est plus le ciment de ce monde slave dont Vladimir Poutine veut être le garant. En effet il y a en Ukraine, par exemple à Odessa, beaucoup de russophones qui sont depuis l’agression russe devenus russophobes.
Il me semble que tout déterminisme qui pèse sur l’individu (langue pratiquée, appartenance ethnique, culture héritée et poids de l’Histoire passée) peut empêcher son évolution et son ouverture vers le nouveau, et doit alors pour cette raison être contesté. Merci à l’Ukraine de nous l’avoir rappelé !
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