Un maillot que portait le footballeur argentin Diego Maradona lors du match de légende face à l’Angleterre pendant la Coupe du monde 1986 a été vendu aux enchères chez Sotheby’s pour 9,3 millions de dollars (Source : lemonde.fr, 94/05/2022).
On pensera d’abord ici à un cadre religieux, la relique du footballeur défunt faisant songer par exemple, en tant qu’objet de dévotion, au Saint Suaire de Turin. Maradona est d’ailleurs devenu effectivement l’objet d’un culte, pris en charge par une Église maradonienne, dont on trouvera les caractéristiques dans Wikipédia, en tapant le nom de cette dernière sur Internet (lien).
Pourtant même si formellement ces comparaisons religieuses peuvent se faire, il en est tout autrement des contenus respectifs. Si Maradona peut se comparer au Christ, alors le langage n’a plus de sens. Je sais bien qu’à propos du but marqué de la main contre l’Angleterre le 22 juin 1986 au stade de Mexico il a parlé de la « main de Dieu », incarnant par là le dogme théologique de la rétribution, selon lequel la réussite d’une entreprise montre la préférence divine. Mais outre le fait qu’il est peu moral de voir la tricherie récompensée, se trouvera-t-il quelqu’un de sensé pour égaler Maradona au Christ lui-même, lui aussi « élu de Dieu » ?
Le vertige nous prend à voir le prix stratosphérique payé pour la relique. Il est d’une indécence absolue par rapport à l’état de dénuement où vit une grande partie des habitants de la planète. On a l’impression aujourd’hui d’une totale absurdité et d’un total chaos. Toutes les valorisations se mêlent et s’échangent, les plus profondes et les plus ridicules, et même jusqu’aux plus repoussantes, avec une parfaite équanimité. Spéculation et argent fonctionnent abstraitement, sans aucun égard pour la réalité des contenus. Certains artistes même ont fait de leurs propres excréments des œuvres d’art (Source : huffingtonpost, 26/04/2013).
D’ailleurs seule l’authenticité de la tunique maradonienne a été contestée par la famille du footballeur, et non pas la démarche même de sa vente aux enchères, ce qui montre que cette famille elle aussi n’est intéressée que par l’argent que peut rapporter la relique. On croit rêver. Dans tout cela on est dans l’irréalité totale, mais si on s’éveille on s’aperçoit que ce rêve est un cauchemar.
Il faut décidément rompre avec ce monde de pure facticité, et défendre l’authentique et le profond. Comme dit René Char : « Obéissez à vos porcs qui existent, je me soumets à mes dieux qui n’existent pas. »
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