La récente crise sanitaire a poussé nos contemporains, condamnés au confinement, à se replier sur eux-mêmes et sur leur cadre familial. Avec la levée de cette obligation, on aurait pu penser que ce repliement aurait disparu, et qu’à nouveau ils auraient pu s’ouvrir vers l’extérieur. Mais apparemment il n’en est rien, et la convivialité, l’intérêt et le souci de l’autre ne sont pas réapparus.
L’ouverture vers la culture, qui est une toujours une distance prise par rapport au chez-soi et aux seuls horizons connus, ne s’est pas produite. Ainsi les ventes de livres culturels s'effondrent, les conférences publiques n’attirent plus grand-monde, les festivals ne constatent pas une affluence des réservations, pas plus que les cinémas ne voient une grande fréquentation – au moins équivalente à ce qu’elle était avant la crise. La raison pour ce dernier cas est simple : habitués à voir les films sur leurs petits écrans domestiques, smartphones ou autres, les spectateurs potentiels ne se déplacent plus comme avant. C’est fort dommage, car la communion silencieuse dans une grande salle est une atmosphère irremplaçable. On ne voit plus maintenant que le cinéma soit la lumière dans le noir, dans tous les sens de l’expression.
Et le deuxième facteur favorisant le repliement est la guerre russo-ukranienne, surtout telle qu’elle est traitée et instrumentalisée chez nous par les politiques et les medias. On ne nous parle que de ses conséquences sur notre pouvoir d’achat, alors que c’est là une chose d’une importance infiniment moindre que cette guerre elle-même, qui se produit aux portes de l’Europe, et peut bientôt y déborder. Au lieu donc d’y prêter attention, de s’informer et de s’ouvrir à autre que soi, on ferme les yeux et on ne voit, de façon égocentrée, que ce qui nous arrive dans notre petite sphère privée.
Le repliement est toujours de mauvais augure. Il caractérise les politiques d’extrême-droite, avec l’éloge du localisme, le choix délibéré de la préférence nationale, le refus du cosmopolitisme, le glissement agressif du patriotisme au nationalisme, etc. – Certes le chez-soi, le cadre domestique, n’est pas sans intérêt. Mais enfin il faut aussi se déplier, s’ouvrir à l’extérieur, au vent du large, sauf à demeurer dans une atmosphère bien confinée et rancie. Les anciens Grecs avaient deux divinités pour exprimer cette bipolarité : Hestia, ou le Foyer ; et Hermès, ou l’ouverture, la relation à l’autre. Aujourd’hui il semble que la première fasse oublier la seconde.
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