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ans une publicité pour le lancement d’un magazine évangélique (sera-t-il concurrent de Golias Hebdo ?) je lis cet extrait du programme : 1/ « Affirmer la centralité de la croix et la nécessité de la conversion », et 2 / « Rechercher le dialogue avec les croyants des autres religions et les non-croyants ».
Il est surprenant qu’on veuille d’une part convertir les gens, et de l’autre dialoguer avec eux. À moins qu’on se fasse une idée bien particulière de ce que doit être un dialogue…
On y sous-entend évidemment que l’autre est à annexer dans son propre camp. Lui prêtera-t-on vraiment l’oreille ? J’en doute. On sait mieux que lui ce qui lui convient, de toute façon.
À quoi veut-on l’amener ? À la fameuse « centralité de la croix ». Or cette idée, qui renvoie au sacrifice expiatoire du Messie, est paulinienne d’origine. Et ce n’est pas parce qu’elle est devenue majoritaire que d’autres christianismes ne sont pas possibles. Ils l’ont été autrefois, avec les versions purement sapientielles du message christique, dont l’Évangile selon Thomas nous donne un exemple.
Plus récemment, Faust Socin, ainsi que ses disciples les Sociniens, ont voulu un christianisme sans sacrifice. D’autres aujourd’hui pourraient reprendre ce flambeau. Dialoguer vraiment avec eux serait fructueux, mais pas en posant d’emblée la crucifixion comme postulat fondateur. Sinon, en fait de dialogue, on fait une croix dessus. [v. Crucifix]
Il faudrait donc retrouver la polyphonie initiale du message évangélique, avant que ce dernier ait été verrouillé par l’institution ecclésiale afin d’encadrer les fidèles et éviter les autres choix ou hérésies (c’est le même mot), qui ne sont pas des dissidences postérieures à cette mise en ordre, mais qui étaient bien présents à l’origine dans l’effervescence des esprits, et dont certains gagneraient beaucoup à être réhabilités aujourd’hui.
Les voilà bien, les conditions d’un vrai dialogue : non pas répéter le catéchisme qui s’est imposé, mais se mettre à l’écoute d’autres voix, qui font souvent écho à celles qu’autrefois on a voulu faire taire. Sinon c’est hypocritement qu’on en affirme la nécessité.
En fait, on ne sort pas d’une vision statique et totalitaire de la vérité. S’il y a « beaucoup de demeures dans la maison du Père » (Jean 14/2), faisons qu’il n’y ait pas beaucoup de demeurés !
Article paru dans Golias Hebdo, 30 juillet 2009
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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