C |
ertains ont besoin, pour assurer et garantir leur foi, que soient historiques, donc pour cette raison authentiques, les événements qu’ils voient rapportés dans les livres saints.
Ainsi je viens de voir sur le site de La Croix (19/10/2012) que les oliviers actuels de Gethsémani seraient issus de boutures de ceux qu’a connus Jésus lors de son agonie. Des scientifiques, qui ont étudié le patrimoine génétique de ces arbres d’aujourd’hui, disent qu’à l’origine il n’y avait qu’une seule plante mère, et donc les toucher maintenant serait toucher la même matière ligneuse que celle que Jésus a pu lui-même toucher. La foi des croyants pourrait donc s’y trouver fortifiée, et, c’est le cas de le dire, enracinée.
Il y a un côté évidemment superstitieux de la foi ainsi comprise, et on sait que l’Évangile lui-même, contre l’attitude de l’apôtre Thomas, affirme heureux ceux qui croient sans voir (Jean 20/29).
Mais surtout, on se méprend complètement sur la nature du texte sacré : il n’est pas du tout une relation historique, mais un texte symbolique invitant à la réflexion, et élaboré par une reprise d’anciens textes, selon la méthode exégétique, bien connue des juifs, du midrash. À partir du grec, on parlerait de palimpseste, ou réécriture d’un texte plus ancien.
Ainsi, pour l’agonie aux Oliviers, certains manuscrits de Luc, mais pas tous, disent qu’une sueur de sang tombe de la tête de Jésus, et que lui apparaît un ange pour le fortifier (22/43-44). Cet ange est une reprise d’un passage du premier livre des Rois (19/5) : l’intertextualité est ici évidente.
Mais la question principale est celle-ci : comment sait-on ce que Jésus a vécu et dit à ce moment-là ? Les seuls témoins historiques de la scène, les seuls donc qui pourraient être habilités à nous le dire, sont les Apôtres : mais ils dorment à ce moment-là !
La vérité est que le narrateur de l’épisode invente comme il veut, exactement comme fait un romancier. Son récit est fait de réminiscences trouvées dans un texte ancien (« inventer » au sens ancien, qui vient de invenire, trouver), à quoi il ajoute de son cru : « inventer » au sens moderne.
Certes ne nous trompons pas : ce texte est infiniment riche et fait beaucoup penser. Mais n’allons pas lui chercher, comme ceux qui ont étudié et exploité nos oliviers, une quelconque inscription et garantie historiques !
[v. Biographie, Châtiment]
Article paru dans Golias Hebdo,
1e novembre 2012
***
Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
commenter cet article …