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11 août 2024 7 11 /08 /août /2024 01:00

V

ictime, au sens étymologique du latin, immolée dans un but de propitiation sur l’autel du sacrifice pour apaiser (placare) un Dieu par conséquent courroucé, selon la Messe catholique en latin, elle vient d’être victime maintenant d’un autre Dieu, celui de l’économie : victime de la flambée du prix du blé et de la farine, de la demande en baisse pour sa consommation, et de la concurrence d’entreprises laïques étrangères industriellement plus performantes. C’est ce dont se plaignent les bonnes sœurs de Lourdes, traditionnellement jusqu’ici dévolues à sa fabrication (Source : LeFigaro.fr, 21/02/2013).

 

On pourrait leur suggérer d’employer une autre matière première que le blé pour cette opération, ce qui la rendrait moins onéreuse. Pensons à la fameuse Querelle des rites, qui agita à la fin du 17e siècle les différents ordres missionnaires chargés de l’évangélisation en pays lointains. Pourquoi garder le pain en des contrées qui l’ignoraient ? N’aurait-on pas pu faire des hosties au moyen de riz, par exemple ? Mais Rome fut inflexible sur le sujet.

 

À date récente encore, dans les Instructions pour dire la Messe (Ordo Missae, Imprimerie du Vatican, 1965, en latin), il est bien spécifié que si l’hostie n’est pas faite à partir de blé pur, de même d’ailleurs que si le vin n’est pas de bonne qualité (« piqué » par exemple), la consécration n’est pas valable, le sacrement n’est pas accompli : non conficitur sacramentum (pp.59-62).

 

La matière et les paroles rituelles sont plus essentielles que la personnalité de l’officiant : si celui-ci a prononcé les bonnes paroles avec l’intention de s’en moquer (delusorie), ou s’il est en état de péché mortel, pourvu que matière première, rite et paroles soient bien observés, valable est le sacrement (conficitur sacramentum) – même si, bien sûr, « le prêtre pèche gravement » (ibid., p.63). C’est apparemment la moindre des choses !

 

Lorsque les Donatistes à l’inverse ont prétendu que le sacrement était invalidé par l’indi­gnité personnelle de celui qui l’administrait, ils ont été violemment attaqués par Augustin, et décrétés hérétiques.

 

Ce matérialisme et ce littéralisme ecclésiaux sont à très courte vue. C’est par pur hasard géogra­phique que l’Évangile a choisi le pain pour signifier le corps du Christ, et pour désigner la nourri­ture quotidienne dans le Notre Père. Les habi­tudes alimentaires changent selon les pays, et il ne faut voir là que symboles. Sinon, quelle publicité là serait faite à la corporation boulangère ! Quelle écoute aurait eu leur lobbying !

 

« La lettre tue, et l’esprit vivifie », dit justement l’Apôtre (2 Corinthiens 3/6). Qu’importe donc la matière ! L’essentiel est ce qu’on y voit. Voilà de quoi peut-être, en leur permettant de modifier un peu leur « cahier des charges », consoler les bonnes sœurs de Lourdes !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 14 mars 2013

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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commentaires

A
J'ai déjà manifesté l'intérêt que je prenais à la lecture de ce blog, qui a le grand mérite de faire une bonne place à des sujets que je qualifierai, pour simplifier, de religieux. Je m'interroge toutefois sur la demarche et les intentions.<br /> La ligne générale est celle d'une démolition de la plupart des dogmes. C'est parfaitement légitime, et, il y a, sur ce terrain, de brillants devanciers. J'oserai dire qu'ils ne convainquent que ceux qui le sont déjà, parce qu'ils sont en fait en dehors du champ: que peut signifier l'incarnation pour un esprit qui.a décidé qu'elle était absurde ? A quoi bon "relire" des textes pour lesquels on n'a aucune sympathie, sauf à les tirer vers soi ? S'il s'agit de purifier le dogme, je constate qu'il n'en reste, après une discussion qui tourne court, à peu prés rien. S'il s'agit de proposer une sagesse, il n'est pas besoin de faire tant de détours. "Ecraser l'infâme" ? Le pauvre est en piteux état.<br /> Alors ?
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W
Je défends la spiritualité, comme retour à soi, aux forces vives intérieures, contre la religion que je vois comme une inféodation à une Puissance supérieure, et à ses mandataires. Il est évident que, Golias excepté, je rencontre l'opposition des catholiques. C'est auprès des protestants libéraux que j'ai rencontré le plus de sympathie.
A
Je maintiens ma position récente, et la plus ancienne.<br /> Et j'approuve saint Augustin: le message dépasse infiniment le messager, et le sacrement l'officiant. Les donatistes pensaient court.
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T
Proscrire le littéralisme est bien, à cette réserve de contrôler le symbolisme pour évier des dérives aussi dangereuses. Grave question.
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K
Le littéralisme est à proscrire mais les mots utilisés dans la langue d'origine sont précieux. La référence de Paul à l'allégorie qui vide de son sens le texte d'origine devrait nous inciter à ne pas prendre les propos de Paul pour paroles d'évangile !
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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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