Je prends ce mot, non dans le sens d’occasion, fautif en français, mais dans son sens propre de caractère de ce qui est opportun (s’agissant d’acte, de démarche, de parole, etc.). Il me semble alors que certaines déclarations du Président français à propos de la guerre en Ukraine manquent singulièrement d’opportunité.
Déjà au printemps dernier il avait dit qu’il ne fallait pas « humilier la Russie ». Maintenant il vient de dire qu’il faut la rassurer. Soulignant la « peur » de Vladimir Poutine « que l’Otan vienne jusqu’à ses portes », il pense qu’il faudra, lors d’une future négociation, « donner des garanties pour sa propre sécurité à la Russie. » (Source : lexpress.fr, 05/12/2022)
Ce disant, il a suscité une grande levée de boucliers, en Ukraine d’abord, où on a souligné qu’il n’y a pas lieu de « rassurer » un tyran terroriste. Et aussi dans les pays d’Europe de l’Est et du Nord, qui ne sont pas près de faire les yeux doux à Vladimir Poutine. Tout cela ne fait qu’accentuer l’incompréhension et la défiance envers la France.
Ce qui est en question n’est pas le contenu intrinsèque des déclarations présidentielles, mais le moment auquel elles ont été prononcées. On peut certes dans l’absolu défendre l’idée qu’un ennemi vaincu ne doit pas être « humilié », sous peine de le voir ensuite préparer sa revanche, comme cela s’est produit pendant l’entre-deux guerres dans une Allemagne durement châtiée par le traité de Versailles. Mais il y a des cas, comme la situation présente en Ukraine, où cette volonté affichée de ménager un agresseur sans scrupules n’est pas du tout audible.
Je ne sais ce qui pousse le Président à faire ce genre de déclaration. Peut-être veut-il toujours se mettre en avant et tenir le premier rôle comme artisan de paix. On sait qu’il s’investit de plus en plus dans les relations internationales. Peut-être voudrait-il qu’à la fin du conflit ukrainien on lui donne comme récompense le prix Nobel de la paix. Qui sait ?
En tout cas, cette situation permet, en général, de réfléchir sur l’opportunité. Telle chose sera opportune à tel moment, mais pas à tel autre. C’est à l’intelligence d’en juger, et il y faut beaucoup de subtilité. Comme pour le kairos ou moment décisif, à saisir pour mettre en œuvre la metanoïa évangélique. Jankélévitch insistait beaucoup à cet égard sur « la manière et l’occasion ». Elles n’ont pas apparemment accompagné les paroles présidentielles.
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