À la fin du confinement dû au Covid, on s’attendait à ce qu’il y ait une explosion de la vie sociale. Mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Le monde du spectacle est sinistré. Les salles de théâtre et celles de cinéma sont loin d’être pleines. Certaines même menacent de fermer. Pour prendre simplement mon cas personnel, l’assistance aux conférences que je donne tous les mois dans la ville où j’habite a diminué des deux tiers par rapport à l’avant-covid.
À quoi est due cette situation étrange ? Je pense que, confinés, les gens ont perdu l’habitude de la socialisation, et se sont repliés sur leur petit pré carré, leur chez soi. Empêchés de sortir, ils ont fait de cette situation une norme, dont ils ne peuvent maintenant se dégager. Tant l’habitude peut devenir une seconde nature ! Ils ont visionné des films sur leurs petits écrans, et n’ont plus l’idée de ce qu’est le vrai cinéma : la lumière dans le noir, dans tous les sens de l’expression. Ils se sont fait livrer des repas tout prêts, par porteur à leur domicile, et tout naturellement ils continuent. Ainsi la convivialité qu’on trouve en faisant ses courses dans un vrai magasin leur échappe. Certains disent qu’ils forment une génération de paresseux, de démissionnaires aussi si l’on pense au peu d’intérêt que beaucoup trouvent maintenant pour un métier à l’extérieur.
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Ce repliement de chacun sur sa petite sphère individuelle oublie que l’homme est aussi un animal social, et que le contact avec l’autre l’enrichit. Les anciens Grecs disaient que l’homme avait deux pôles : le foyer (Hestia), et l’échange avec l’autre, la communication (Hermès). À ne privilégier que le premier, il se mutile. On le voit bien par exemple avec les partis politiques xénophobes, qui ne s’ouvrent pas au vent du large, de l’inconnu, et développent une idéologie bien rancie.
Plus généralement, il me semble que ce repliement de chacun dans sa bulle, telle la monade leibnizienne, atomise le monde extérieur. Ne regarder que des films sur son smartphone, ne jouer qu’à des jeux vidéo sur son ordinateur, sans sortir de chez soi, sans prendre le risque d’un vrai échange avec un être humain vivant, mène à un enfermement en soi de type schizophrénique, ainsi que, à la faveur d’une technique digitale de plus en plus perfectionnée, à une totale virtualisation du monde.
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