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e viens de voir l’excellente émission diffusée sur Arte le 22 octobre dernier, Mea maxima culpa, sur le scandale des prêtres pédophiles, et l’omerta dont l’Institution ecclésiale les a couverts.
On y voyait bien que le prêtre n’était pas considéré comme un homme ordinaire, qu’il bénéficiait de la part des fidèles d’une aura quasi sacrée. L’Église aussi, une fois les crimes mis au jour, n’a pas eu pendant longtemps un seul mot de considération pour les victimes, mais s’est contentée de dire que de tels comportements n’étaient pas dignes de la fonction du prêtre !
D’ailleurs sa conduite ne relève pas selon elle des lois civiles, mais du seul droit canon, et du tribunal qu’elle dresse elle-même, « en interne », avec interdiction absolue de divulguer ce qui s’y passe.
On voyait dans le film des plans où s’effectue la consécration de l’hostie, donc où s’opère la transsubstantiation eucharistique, via les mains et la bouche du prêtre. Agissant in persona Christi, il est manifestement un thaumaturge, et le respect qui lui est dû tient au surnaturel, au miracle qu’il opère, au nom du « Mystère de la foi ». La considération dont il bénéficie est à l’image de ce qu’il est censé produire, et à la projection qu’on fait sur lui à cette occasion. En fait, il n’a de prestige que celui que nous lui donnons.
Je pense ici à ce qu’écrit Voltaire, dans Œdipe :
« Nos prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense :
Notre crédulité fait toute leur science. »
Ou bien, comme disait La Boétie des tyrans :
« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux »
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– On sait que Luther a démystifié le prêtre, en défendant l’idée de « sacerdoce universel » : pour lui, tout croyant baptisé était un prêtre. Ainsi jamais en monde protestant le pasteur n’est un thaumaturge. Nulle hiérarchie n’y existe entre le pasteur et les fidèles. C’est ce que Boileau a bien vu : « Tout protestant fut pape une Bible à la main. » Le sacrement administré en tant que processus magique y est inconnu.
L’absolution par exemple, qui fait dire au prêtre en monde catholique : « Je t’absous, etc. », n’y a pas son équivalent. Tout au plus un pasteur dirait, bien plus modestement : « Que Dieu te pardonne ! »
Et pourtant, souvenons-nous que Louis XIV tremblait devant son confesseur ! Tant est grande la peur infantilisant les uns, et le désir de pouvoir des autres, manifesté par le chantage aux sacrements !
Il est temps de considérer le prêtre comme un homme comme les autres, et l’Église, non comme une Institution de fonctionnaires cherchant à persévérer dans son être, fût-ce en étouffant des scandales, mais comme la simple assemblée des croyants. [v. Église]
Article paru dans Golias Hebdo, 31 octobre 2013
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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