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e mot est généralement négatif, et désigne une soumission moutonnière et non réfléchissante.
Dans le film Le Cercle des poètes disparus, pour en montrer le danger, le professeur Keating fait se déplacer en rond dans la cour du lycée un groupe d’élèves, et tous accélèrent machinalement le pas à mesure que le fait le premier de la file.
Une affiche catholique vantant les prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse (JMG), qui se tiendront cette année en juillet à Rio, porte en légende : « Jésus aura 4 millions de followers… Sois des leurs ! » Ce mot anglais, tiré des réseaux sociaux, vise à séduire les jeunes, qui attirent les démagogues comme le miel attire les mouches.
D’ailleurs, quand on dit que notre civilisation est individualiste, c’est inexact en l’espèce, car rien n’est plus conformiste que de « suivre » aveuglément une vedette, ou un gourou, etc., comme font les followers de tout genre. En tout cas, c’est bien au pur suivisme que notre affiche invite.
Mais Jésus n’a jamais voulu qu’on l’idolâtrât ou même le suivît sans réfléchir. L’important pour lui était qu’on l’écoutât et agît en conséquence : « Pourquoi m’appelez-vous ‘Seigneur, Seigneur !’, et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6/46) Il invitait à relire correctement la Loi et à en tirer des leçons de bonne conduite, fidèle en cela à la traditionnelle orthopraxie juive.
On peut même douter que le mot akoloutheîn, que Jésus emploie à l’adresse de ses disciples, et qu’on traduit par « suivre » à partir du sequi de la Vulgate, signifie réellement suivre. Formé de keleuthos (chemin), et de a copulatif, son sens premier est : « qui fait route avec ». Pourquoi alors ne pas remplacer « suivre » par : « accompagner » ?
Compagnon de route, Jésus est simplement plus avancé que nous en réflexion, et selon le mot qui termine le Prologue de Jean, un « exégète » de la voix du Père (1/18). Traduire, comme on le voit souvent, ce mot exègèsato par : « Il l’a fait connaître » est déjà accorder à Jésus un peu de la nature du Père, et oublier qu’il n’a fait que nous « ouvrir les Écritures », comme le disent les Pèlerins d’Emmaüs (Luc 24/32).
Quant à le rendre comme le fait Chouraqui par : « Il entraîne » (cf. « hégémonie », etc.), c’est extrêmement dangereux. Méfions-nous de tous les chefs qui entraînent : Duce, Führer, Caudillo, Conducator, etc., et aussi de ceux qui les suivent. Ils sont de sinistre mémoire.
Des suiveurs en effet on peut passer aux sectateurs (du latin sectari, fréquentatif de sequi), et pourquoi pas enfin aux sectaires ?
Il est donc bien dommage que notre affiche n’ait pas eu la prudence d’y penser ![1]
Article paru dans Golias Hebdo, 16 mai 2013
[1] Sur le Christ vu simplement comme un compagnon de route et nous ouvrant le chemin, on peut voir mon ouvrage La Source intérieure, préfacé par André Gounelle :
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