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es catholiques l’ont célébrée le dimanche 30 mai dernier. L’encyclopédie Wikipédia en garantit l’ancienneté, en disant que si le nom n’en apparaît pas dans le Nouveau Testament, « les notions qui constituent la doctrine trinitaire sont contenues dans les Écritures ».
Je me demande cependant où elle a pris cette idée de l’ancienneté scripturaire d’un seul Dieu en trois personnes, ou hypostases, égales en dignité. Il suffit de lire l’évangile de Jean, où pourtant Jésus a la plus haute stature : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père ; car le Père est plus grand que moi. » (14/28) Même la fin du Prologue, où l’on voit souvent les prémisses de la doctrine trinitaire, montre dans le Fils un simple interprète ou exégète du Père : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, dirigé vers le sein du Père, nous l’expliqua (grec : exègèsato). » (1/18) Un exégète ne s’identifie pas à ce qu’il explique.
Certes, certains continuent de voir dans le texte johannique lui-même des formulations prétrinitaires. Mais c’est à tort il me semble. Ainsi une phrase comme : « Moi et le Père nous sommes un » (10/30) peut signifier simplement : « Notre cause est la même ». Ce n’est pas encore la consubstantialité Fils / Père telle qu’elle sera affirmée plus tard au concile de Nicée, en 325.
Quant à l’Esprit, il ne vient à l’origine que du Père seul : « Quand sera venu le consolateur, que je vous enverrai de la part du Père, l’Esprit de vérité, qui vient du Père, il rendra témoignage de moi. » (Jean 15/26) Mais l’Occident latin a dit, au mépris de la formulation scripturaire initiale, qu’il procédait aussi du Fils (Filioque) : ce fut là une des raisons au 11e siècle de sa séparation avec l’Église orthodoxe.
Ce sont les différents conciles qui ont au fil des siècles élaboré la notion de Trinité. Cette constatation ne déstabilisera chez nous aucun catholique, car on lui a enseigné que la révélation est progressive, et que ces conciles ont été inspirés par le Saint-Esprit.
Mais les protestants, qui s’en tiennent à la seule écriture (sola scriptura), ont de quoi ici être perplexes. Aussi y a-t-il chez eux des partisans d’une christologie non nicéenne, arienne par exemple, ou adoptienne, ou bien encore des unitariens, partisans de la seule monarchie divine, et donc refusant la Trinité.
Cependant, un bref regard sur l’histoire montre que beaucoup de tous ces conciles invoqués par l’Institution se sont anathématisés entre eux. L’Esprit souffle où il veut, certes : mais aussi dans tous les sens.
On peut admettre aussi que la révélation soit progressive. Mais pourquoi, au mépris de ce principe en soi fort louable, l’Église dit-elle maintenant qu’elle est définitivement close ? Sauf à penser évidemment qu’elle en est seule dépositaire, et que l’enjeu ici est celui de son pouvoir.
[v. Promotion]
Article paru dans Golias Hebdo, 17 juin 2010
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Sur cette notion, voir aussi mon ouvrage en deux tomes et deux formats (livre et e-book), préfacé par André Gounelle :
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