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ai entendu, aussi bien à la radio qu’à la télévision, Michel Onfray faire la promotion de son dernier livre Décadence.
Il y annonce la mort de notre civilisation judéo-chrétienne, et avec lui je serais bien d’accord, vu la sécularisation de notre société que chacun peut constater.
Il dit aussi que le christianisme n’est qu’une vaste fiction, construite à partir de textes de la Bible juive pris comme des prophéties dont on a pensé qu’elles avaient été réalisées effectivement.
Il y inclut la figure du Christ, pour lui totalement inventée, à la fois au sens ancien (invenire) de trouvée dans le Texte de référence, et au sens moderne, imaginée, objet d’un progressif storytelling ecclésial, et aussi finalement politique, à partir de Constantin.
Cette position d’un Christ personnage fictif a d’ailleurs déjà été soutenue naguère par Prosper Alfaric, et plus récemment par Bernard Dubourg dans L’Invention de Jésus, comme je l’ai indiqué à l’article Mythistes de mon Petit lexique des hérésies chrétiennes.
Avec tout cela encore je pourrais être d’accord. Mais là où je me suis senti en opposition avec Onfray, c’est sur le statut du mythe. La « fonction fabulatrice », comme dit Bergson, est vitale pour l’homme : il est le fils de ses propres fictions, qui le construisent, l’édifient. Il descend du Songe. Qu’il y ait donc un mythe chrétien, soit. Mais qu’il soit une mystification, comme cela ressort finalement de la façon qu’a notre auteur de s’exprimer, je ne l’approuve pas.
Car le mythe non seulement fait battre le cœur, mais aussi il éveille l’intelligence, n’en déplaise à l’athée Onfray, qui rejette sans regret aux oubliettes toute la construction chrétienne.
Bien sûr il faut faire un tri dans les textes. Mais enfin, qui niera que la parabole du Bon Samaritain, ou de l’Enfant prodigue, ou même celle des Talents, ait une profonde vérité ? Il n’y a pas que les sages antiques qui puissent soigner notre âme, comme le pense notre philosophe, que je trouve ici trop polémique et sélectif.
Article paru dans Golias Hebdo, 2 février 2017
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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