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hoquées par une campagne publicitaire pour le site de rencontres extraconjugales Gleeden, les Associations familiales catholiques (AFC) viennent d’assigner en justice la société éditrice.
Elles se sont offusquées des fameuses affiches frappées d’une pomme croquée, avec la légende : « Contrairement à l’antidépresseur, l’amant ne coûte rien à la Sécu », qui ont investi les transports publics de la région parisienne.
Elles s’appuient sur l’article 212 du Code civil, qui stipule que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». La publicité en question est dite « illicite », car elle est « une incitation à violer une obligation contractée lors du mariage » (Source : LeFigaro.fr, 18/02/2015).
Je pense qu’il faut réfléchir sur l’idée de fidélité. Si on la comprend simplement comme le fait de ne pas être infidèle, je dirai que nous sommes loin du compte en matière de relation affective avec le partenaire. Combien en connaissons-nous, qui restent fidèles comme on dit à leur conjoint, c’est-à-dire ne le trompent pas, mais dont toute la conduite semble ne faire que le leur reprocher !
Ce n’est pas tout de ne pas faire, il faut en outre faire, en l’occurrence agir pour rendre le partenaire heureux, être gentil et attentionné chaque jour, plutôt que lui faire la tête constamment tout en ne le trompant pas, ce qui revient à le lui faire regretter. Beaucoup agissent bien, comme on dit, mais semblent ne jamais en être revenus. En vérité, la clé de la morale est qu’un « Tu dois » ne se résout et limite jamais à un « Tu ne dois pas ».
Il faut bien voir que l’expression latine rituelle Ego conjungo vos in matrimonium, qu’on traduit par « Je vous unis en mariage », signifie : « Je vous unis pour le mariage », car il y a un accusatif, lieu de la destination, et non pas un ablatif, lieu où l’on se trouve, qui serait matrimonio.
Autrement dit, l’essentiel dans la vie d’un couple est le but qu’il se propose d’atteindre ensemble, et qui n’est jamais donné au départ. Il faut, comme disait Saint-Exupéry, « regarder ensemble dans la même direction ». Le sens bien sûr est symbolique : regarder ensemble dans la même direction n’est pas regarder ensemble la télévision, dans une indifférence mutuelle où sombrent beaucoup de couples ! – Ici, la « direction » est la perception consciente et méditée d’un futur et d’un projet communs. On épouse quelqu’un pour l’aimer, et non pas parce qu’on l’aime.
Il suit de là que ce qui importe n’est pas l’interdiction (l’adultère), mais l’amour actif, la gentillesse et l’attention réciproques. Ne pas tromper l’autre simplement ne nous acquitte de rien. [1]
Chronique parue dans Golias Hebdo, 5 mars 2015
[1] Sur la matière de cette chronique, on peut voir mon ouvrage Savoir aimer - Entre rêve et réalité (BoD, 2022).
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Voir aussi :
Fidélités - Le blog artistique de Michel Théron
La fidélité se réduit-elle à ne pas tromper l'autre ?
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