J |
e viens d’y être encore plongé avec le dernier film sur la foi que je viens de voir : La Prière, de Cédric Kahn.
J’avais déjà eu des réticences avec Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois, et avec L’Apparition de Xavier Giannolli, à cause d’une vision traditionnelle et doloriste de la foi catholique [v. Dolorisme et Dolorisme (suite)].
Ensuite c’est Marie-Madeleine qui m’a ennuyé par son académisme, exception faite de la toute dernière séquence sur la nécessité d’intérioriser le Royaume [v. Royaume].
Et maintenant c’est seulement le dernier plan du film de Cédric Kahn qui m’a intéressé. Si cela continue, j’irai voir les films de ce type juste quelques secondes avant la fin de la projection !
L’histoire est celle de la rédemption d’un mauvais garçon, calquée sur le mythe chrétien du rachat majoritaire depuis saint Paul, et que j’ai trouvée banale parce que mille fois vue : voyez par exemple tous les films de Scorsese, avant le remarquable Loup de Wall Street, dont la fin refuse tout rachat de ce type.
Devant tant de positivité, j’ai pensé à la phrase de Gide : « On ne fait pas d’œuvre d’art sans la collaboration du Démon ». On a cité Bresson : mais ce dernier n’élude pas la négativité, au contraire. C’est elle qui triomphe à la fin du Diable probablement, avec le suicide du héros. Les cheminements de la grâce se font chez lui par de bien plus tortueux abîmes.
Dans le film le jeune garçon revenu à Dieu veut se faire prêtre. Mais le souvenir d’une relation avec une jeune fille fait qu’il hésite. En route pour le séminaire, il bifurque brusquement et va retrouver la jeune fille. Le film s’arrête là-dessus, fort habilement. À nous de conclure : vient-il lui faire ses adieux ? Ou veut-il vivre avec elle, et renoncer à la prêtrise ?
Finalement seul ce dilemme m’a intéressé. J’ai réfléchi à l’absurdité du célibat des prêtres, même paré du nom de sacrifice. Et j’ai repensé à cette réplique du film de Buñuel Belle de jour : Semen retentum venenum est (Retenir sa semence est un poison). Quelle violence dans cette attitude ! Violence faite à soi d’abord, et dont les autres même peuvent pâtir. Dommage qu’il faille attendre ce dernier plan pour y réfléchir !
Article paru dans Golias Hebdo, 5 juillet 2018
***
Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
commenter cet article …