Je suis toujours impressionné par la rapidité avec laquelle les émotions, au cours d’une même situation donnée, peuvent changer du tout au tout. Ainsi suis-je récemment passé, en 24 heures seulement, de la fierté la plus attendrie à la honte la plus complète.
J’ai assisté à la télévision, le 6 juin dernier, lors des cérémonies commémoratives du débarquement allié en Normandie, à la rencontre d’un vétéran américain et du président de l’Ukraine. Le vieux soldat félicitait l’homme jeune, et voulait même lui baiser la main en signe de reconnaissance pour la défense de la liberté et le salut de son peuple, et pour l’image mémorable qu’il représentait maintenant à ses yeux. Mais ce dernier refusait et même se mettait à genoux devant lui, en hommage à son héroïsme passé, lui disant qu’il avait, lui, sauvé l’Europe. J’ai trouvé là un magnifique symbole de passage de témoin, dans la lutte contre des barbaries autocratiques, nazie et poutinienne, singulièrement proches par l’esprit. Profondément ému par cette scène, je me suis senti fier, pensant qu’il ne faut pas toujours désespérer de l’humanité.
Hélas ! Je devais déchanter le lendemain. Le président ukrainien était reçu au sein de notre Assemblée nationale. Mais j’ai remarqué que l’hémicycle était à moitié vide, et que l’ovation des députés, debout, était fort maigre. Là j’ai été submergé par un sentiment de honte. Pourquoi n’y avait-il pas alors une assemblée pleine, applaudissant debout le représentant d’un pays martyr depuis plus de deux ans ? Il semble que c’était là un hommage dû à tant de souffrances subies : c’était pour moi un signe minimal de compassion et de respect.
On me dit que les députés absents ont voulu protester par là contre l’initiative de notre président auquel ils s’opposent, en transformant les élections européennes en référendum contre lui. Mais c’est là un réflexe de basse politique politicienne. Que diront-ils plus tard, ces députés, si on leur demande (leur fils par exemple) s’ils étaient dans l’assemblée à cet instant, pour accueillir avec honneur le président d’un peuple souffrant tant d’épreuves ? Assurément on verra qu’à l’honneur ils ont par bas calcul préféré le déshonneur. Il faut saisir les occasions, car l’Histoire ne repasse pas les plats, et la honte est indélébile.
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