C’ |
est le lot, me semble-t-il, de beaucoup de nos contemporains, qu’on voudrait pourtant voir grandir un peu.
Ainsi, tout récemment, un joueur de poker, qui se définit lui-même comme accro à cette activité, a attaqué en justice notre gouvernement, en lui demandant un dédommagement de 100.000 euros, au motif qu’on ne lui a pas interdit l’accès aux salles et aux sites en ligne où se pratique ce jeu.
Il y a là bien sûr un signe de ce que j’ai appelé la judiciarisation de notre société. N’importe qui peut se plaindre maintenant de n’importe quelle situation où il s’estime lésé.
Cet état de choses nous vient évidemment des États-Unis d’Amérique, paradis des avocats et procéduriers en tout genre, où un simple regard porté par un passant sur une femme peut le faire accuser par elle de harcèlement sexuel ! Rasons donc les murs, et baissons les yeux… [v. Harcèlement]
Mais dans le cas présent on se plaint au fond de n’avoir pas été traité comme un enfant à qui devait être notifiée une interdiction. On pourra alors attaquer l’État pour avoir été rendu malade par l’abus du tabac, de l’alcool, etc. – au mépris des avertissements qui déjà figurent sur les produits, et qui souvent d’ailleurs sont passablement superfétatoires, tout le monde étant, depuis belle lurette, au courant des risques pris si l’on en consomme.
Dernièrement, j’ai acheté un pare-soleil pour couvrir la vitre avant de ma voiture, et sur la notice d’installation j’ai lu l’instruction suivante : « Il faut enlever le pare-soleil avant de conduire ! » Au cas où on ne le ferait pas et attaquerait le fabriquant pour l’accident qui en serait survenu...
On pourra aussi porter plainte pour s’être laissé excessivement endetter, au point qu’il a fallu mettre récemment dans les contrats une clause qui me semble pourtant proche du truisme : « Un crédit vous engage et doit être remboursé ! » Qu’on ait cru bon de souligner pareille évidence en dit long sur l’état d’apathie et d’inconscience de certains esprits !
J’entends bien qu’il s’agit, dans une procédure comme celle qu’a intentée notre joueur de poker, de se procurer le plus d’argent possible. Mais enfin, ce qui est préoccupant, c’est la vision de l’homme qui y est impliquée : celle d’un être mou et influençable, incapable de juger par lui-même de ce qui est bon pour lui, c’est-à-dire définitivement immature et faible, modelé par le déterminisme des circonstances. D’où sa propension constante à se poser en victime de ce qui lui arrive, et jamais en adulte responsable. Cette vision maintient l’homme dans une éternelle enfance, et fait bon marché de ce qui me semble essentiel en lui, et constitutif de son humanité même : sa liberté.
Article paru dans Golias Hebdo, 22 décembre 2011
/image%2F1454908%2F20240829%2Fob_0e3586_infantilisme-suite-illustration-2.jpg)
commenter cet article …