Lors d’une vidéoconférence avec 250 jeunes Ukrainiens de Kyiv et du monde entier, le pape François a exhorté ses interlocuteurs à vouloir le patriotisme et la paix, ainsi que de pratiquer le pardon. (Source : vaticannews, 01/02/2025)
Cette association du patriotisme et de la volonté de paix me semble extrêmement bizarre. Normalement l’amour de la patrie exige qu’on la défende quand elle est attaquée. Et non pas qu’on dépose les armes et arrête de se battre pour elle. Car de quelle patrie s’agira-t-il alors ? D’un pays dont ne subsisteront que des ruines, qui pourra plus tard demander des comptes à ses citoyens d’avoir été un jour abandonné. Et quelle culpabilité ceux-ci pourront-ils éprouver, la paix ainsi survenue, au vu des pertes de territoire consécutives ! Sans compter la possibilité prévisible, à brève échéance, d’un nouveau conflit.
On sait que le pape, qui a parlé naguère ici de « drapeau blanc », conseille à l’Ukraine une capitulation sans conditions. Quant au pardon dont il se fait le défenseur, peut-il être d’un quelconque poids avec le président russe, qui ne reconnaît en toutes choses que la loi de la force ? Le proverbe chez nous le dit bien : Parle doucement, mais avec un gros bâton.
Le vertige me prend à lire ces phrases. J’ai l’impression que les mots y perdent leur sens habituel. L’esprit réellement et authentiquement pacifique y est confondu avec le pacifisme systématique, le vrai patriotisme avec l’amour de la paix à n’importe quel prix, la mort des soldats avec leur élévation au rang de martyrs. À trop modifier ainsi le sens des mots s’installe une sorte de langage second, qui les recouvre d’autre chose que ce qu’ils veulent dire.
Je sais bien qu’une grande partie (mais pas la seule) de la construction chrétienne, la strate sacrificielle majoritaire chez nous depuis saint Paul, utilise de telles acrobaties langagières, jusqu’à unir de façon oxymorique des notions opposées. Voyez par exemple, de l’Apôtre, la transformation de la sagesse en folie et de la folie en sagesse (1 Corinthiens 1/21 et 3/19).
Il faut se méfier de ces changements sémantiques. Ils font croire à une certaine profondeur, mais c’est en créant un brouillard épais, qui empêche de raisonner sainement, et aussi qui force à croire aveuglément quiconque les porte et profère. Quand les mots perdent leur sens, disait Confucius, l’homme perd sa liberté.
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