N" (Textes sur images)
J'ai fait ces deux photos aujourd'hui, jour de pluie incessante dans ma région. Maintenant comparez-les :
Dans la première, la mise au point a été faite sur le premier plan. Dans la seconde, sur l'arrière-plan. Je me dis que cela peut symboliser deux états du langage lui-même : quand on parle ou quand on écrit, tantôt on considère le mot plutôt que la chose (le langage vient au premier plan), tantôt on ne voit que la chose derrière le mot, celui-ci s'effaçant (on n'a égard qu'à l'arrière-plan). Le langage est donc une vitre brouillée ou opaque dans le premier cas, et une vitre transparente (ou quasiment), dans le second.
Je vous propose donc un PDF qui développe cette idée, et dont voici un extrait :
... À saisir ces deux moments sert merveilleusement l’appareil photo, qui par sa précision rigoureuse et mécanique paradoxalement peut donner ici bien des leçons. Mon œil en effet ordinairement compense les différences objectives de plans, en me donnant l’impression d’une vision moyenne et au fond très approximative. Sauf à fixer les seules gouttes de pluie sur la vitre (et les myopes sont bien, avantagés à cet égard, qui voient très nettement le proche, et très flou le lointain), je n’ai jamais une différence aussi grande qu’ici dans la perception des différents plans visuels. L’appareil, si. Ou bien il met au point sur le fond, ou bien sur la vitre. Il faut choisir. Même l’autofocus a besoin d’être dirigé, car il propose indifféremment les deux versions. Et s’il ne le fait pas, on peut le débrayer. Il n’y a pas de photo obligée. Si nos yeux sont paresseux, les règles de l’optique sont impitoyables.
Il faut jouer avec elles. Bien des fois la vue de près est intéressante, autant, sinon plus, que la vue éloignée. L’intérieur, que l’extérieur. Ma position à l’intérieur de ma pièce, par exemple, c’est la mise au point sur la surface de la vitre qui me la montrera, ou me la fera sentir. La perception de la fenêtre me situera à l’intérieur de ma maison. Et ma position à l’intérieur du langage aussi, c’est l’attention portée au mur des mots qui me la montrera. Là aussi, la mise au point aura changé....
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