¨(Extraits de mes ouvrages)
En complément et explicitation à mes deux articles Visages de la Foi, et Visages de la Foi II, je reproduis quelques extraits du chapitre 9, « Les deux mondes », de ma Source intérieure. J'ai surligné en jaune les notions essentielles, correspondant aux deux Visages différents de la Foi (Intériorité et Extériorité). Les liens activables aussi développent cette opposition :
... Et quand Augustin se demande où est ce Dieu qu’il invoque, il ne peut que conclure : au fond de moi-même, ou nulle part. C’est une lumière intérieure, qui garantit et cautionne la lumière qu’on voit par les yeux de chair : « Tard je t’ai connue, Beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t’ai connue. C’est que tu étais au-dedans de moi, et, moi, j’étais en dehors de moi ! » (Confessions, X, 27).
… Mais ensuite, tout cela a changé, et on a voulu prouver le monde idéal par l’examen du monde réel. Thomas d’Aquin a remplacé Augustin, Dieu est devenu de moins en moins présence intérieure, et on a cherché dans l’examen, ou l’observation des choses perceptibles à l’extérieur, des preuves rationnelles de son existence. La foi, étant de moins en moins éprouvée, a voulu de plus en plus se prouver. Ces preuves alors, on a pu les dire a posteriori (tirées de l’observation des choses).
Il faut les opposer à l’argument a priori, dit de saint Anselme, qui jusque-là avait prévalu : il ne relève que d’une certitude intérieurement ressentie...
... Il faudrait sans doute explorer les implications esthétiques des deux postures que je viens d’esquisser, correspondant à la prédominance de l’un ou l’autre monde : l’intériorité concerne le chant grégorien (le fluxus ou l’expiration), la voûte romane, la crypte et ses cierges, le regard fixe aussi des icônes et le fond d’or immuable, la perspective inversée invitant à scruter le fond de notre propre cœur, la croix grecque, équilibrée en son centre, la pensée augustinienne, ou introvertie. L’extériorité, la polyphonie dramatisée ou poétique, la nef gothique avec son dynamisme ascensionnel, la croix latine, déséquilibrée dans le sens de l’activisme (celle des Croisades), le vitrail changeant suivant les heures et les saisons, la pensée thomiste et scolastique, rationnelle et observante, extravertie ; la peinture ensuite non plus mentale ou symbolique (comme dans l’enfance), mais naturaliste, avec la nouvelle perspective optique, trouant la toile : la vision du phénomène (phainomenon) remplaçant celle de l’essence (ousia). Tout cela, cette mutation si importante et si dangereuse de l’Occident chrétien, devrait faire la matière d’un livre entier, et traiter ensemble toutes les formes, à commencer par celle de l’art [Voir ici par exemple mon Initiation à l’Art, Ellipses, 1993]. – (pp.119-121)