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23 juin 2025 1 23 /06 /juin /2025 01:00

Je republie un article paru au mois d’août 2023. La situation actuelle (fin juin 2025) est hélas identique dans mon département.

 

Sitôt ouverte la porte de la maison, j’entre dans une fournaise. Aucun vent perceptible, une immobilité générale, tout est figé et hostile. D’habitude c’est le mouvement qui est signe de vie. Mais ici il n’en est rien, nul indice ne le laisse supposer. Nulle présence autre que celle d’une lumière aveuglante. La suffocation m’envahit. Vite je rentre chez moi.

 

Je sais bien que, comme disent les spécialistes, cet état est appelé à devenir normal. Mais jusqu’ici je ne le croyais pas. Ou du moins j’espérais autre chose. Par exemple, que cette année au moins j’y échapperais. Vaine présomption. Je suis maintenant rendu à la lucidité pour tout ce qui peut se produire dans l’avenir. Blessure inévitable.

 

Évidemment m’assiègent des réminiscences. Fin du monde, destruction universelle, apocalypse… L’imaginaire est fécond qui les présente et transmet. Mais pour trouver un embryon d’issue ou de consolation, et me souvenant de l’absence totale de vent, je préfère ici ce que dit l’Évangile de Jean.

 

Le vent souffle où il veut. Même invisible, on entend sa voix. Là est ce qui permet à chacun de renaître. Il faut se mettre à l’écoute du Vent, le laisser s’installer en soi. Ce souffle est salvateur, vivifiant (zôopoion, vivificans, comme dit le Credo de Nicée).

 

Bien sûr il s’agit aussi du Souffle de Dieu, via son Esprit. Mais je préfère laisser de côté ce catéchisme, où on peut ne pas voir et sentir vraiment les choses. Ce qui est directement sensible me parle davantage. Quand donc se lèvera ce souffle, ce vent, qui me redonnera vie ?

 

Demain ? Plus tard ? La météo parle d’une demi-semaine. Pour l’instant je reste prostré, suffoquant, sans vie. J’attends…

 

 

… Il me souvient aussi de certaines périodes pénibles de ma vie passée, où j’étais dans la même situation. Rien ne s’était produit de ce que je rêvais. Et de ce que j’avais le rêve était absent. L’immobilisation, l’abattement sur place, étaient mon lot. C’était un abandon sans vie, un dessèchement désertique, une atmosphère sans vapeur d’eau. Je n’avais plus alors, comme aujourd’hui, que la part de l’attente.

 

Je pense que chacun, pour peu qu’il ait vécu, a connu pareilles canicules dans sa vie. Elles font partie du fait même de vivre, et pourtant on n’y vit pas. Ils m’ont toujours surpris, ceux qui ont peur de la mort. Ils oublient qu’on meurt déjà plusieurs fois dans la vie, et que certaines morts sont pires que la mort même.

 

Mais de ces morts successives on peut renaître, pour peu que revienne le Vent, l’Élan. Et reprendre sa marche, à l’image du voilier dont enfin se gonfle la voile.

 

Quand ?

 

20/08/2023

 

 

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22 juin 2025 7 22 /06 /juin /2025 11:43

Maison et Jardin - Vie active et Vie contemplative :

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21 juin 2025 6 21 /06 /juin /2025 01:01

Un ancien article (09 décembre 2021) :

 

On dit qu’elle est une perte de lucidité. Je pense qu’elle peut être exactement le contraire, être causée par une lucidité maximale, un regard aigu porté sur tout ce qui entoure. En sorte qu’au lieu de « fou à lier » on pourrait dire : « lucide à lier ».

 

C’est à quoi j’ai pensé en revoyant sur Arte la version finale d’Apocalypse now, de Coppola. Le Colonel Kurtz, dans ce film, bascule du côté sauvage (On the wild side) après avoir vu le décalage énorme qu’il y a entre les idéaux civilisationnels affichés par son pays, et les horreurs réelles où conduit la guerre qu’il mène. Il ne comprend pas pourquoi on forme des soldats pour déverser le feu sur les Vietnamiens, et pourquoi on leur interdit d’écrire des gros mots sur les bombes qu’ils vont lâcher, au prétexte qu’il y a là une « obscénité » ! La vraie obscénité au contraire est dans l’œuvre de mort elle-même à laquelle ils donnent la main, et non dans le langage qu’ils emploient. La civilisation autorise l’horreur, mais refuse qu’elle soit nommée en tant que telle. Elle suppose une hypocrisie majeure : permettre l’abominable, mais regarder ailleurs quand il s’agit de l’évoquer. On pratique donc la restriction mentale, l’autocensure. Et c’est contre cette scission fondamentale, cette situation schizoïde, que se dresse celui qu’on appelle fou, et qui ne fait pourtant que la dénoncer.

 

J’ai pensé aussi au film de Scorsese Taxi Driver, où un conducteur de taxi, vétéran de la même guerre, brûlé par l’insomnie et la vision constante du même décalage entre ce qu’on lui a appris et ce qu’on ne cesse de proclamer comme idéal, en vient à basculer lui aussi dans la folie meurtrière, et à se comporter en Ange exterminateur – dans un pays où, dit-il, on apprend à tuer à ceux à qui on ne cesse de répéter depuis l’enfance : « Tu ne tueras point ».

 

Chez nous, Antonin Artaud aussi a dénoncé cette hypocrisie et ce double comportement. Il me semble que tant que la civilisation l’exigera, il y aura toujours en son sein quelque fissure (Freud appelait cela un « malaise »), qui pour certains est un abîme béant. Il n’est pas étonnant qu’ils s’y précipitent, par excès même de lucidité, et aussi de sensibilité. Deux qualités pourtant, mais qui les mènent à leur perte. La folie n’est que l’ombre du processus civilisateur lui-même : elle se nourrit des dissimulations et des exclusions qu’il opère, et qui sont insupportables à qui les voit en face.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 09 décembre 2021

 

D.R.

 

***

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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