« L’Histoire de la Littérature s’est grandement développée de nos jours, et dispose de nombreuses chaires. Il est remarquable, par contraste, que la forme d’activité intellectuelle qui engendre les œuvres mêmes, soit fort peu étudiée, ou ne le soit qu’accidentellement et avec une précaution insuffisante. Il est non moins remarquable que la rigueur qui s’applique à la critique des textes et à leur interprétation philologique se rencontre rarement dans l’analyse des phénomènes positifs de la production et de la consommation des œuvres de l’esprit.
Si quelque précision pouvait être atteinte en cette matière, son premier effet serait de dégager l’Histoire de la Littérature d’une quantité de faits accessoires, et de détails ou de divertissements, qui n’ont avec les problèmes essentiels de l’art que des relations tout arbitraires et sans conséquence. La tentation est grande de substituer à l’étude de ces problèmes très subtils, celle de circonstances ou d’événements qui, pour intéressants qu’ils puissent être en eux-mêmes, ne nous disposent pas, en général, à goûter une œuvre plus profondément, ni à concevoir de sa structure une idée plus juste et plus profitable. Nous savons peu de chose d’Homère: la beauté marine de l’Odyssée n’en souffre pas ; et de Shakespeare, pas même si son nom est bien celui qu’il faut mettre sur le Roi Lear.
Une Histoire approfondie de la Littérature devrait donc être comprise, non tant comme une histoire des auteurs et des accidents de leur carrière ou de celle de leurs ouvrages, que comme une Histoire de l’esprit en tant qu’il produit ou consomme de la ‘littérature’, et cette histoire pourrait même se faire sans que le nom d’un écrivain y fût prononcé. On peut étudier la forme poétique du Livre de Job ou celle du Cantique des Cantiques, sans la moindre intervention de la biographie de leurs auteurs, qui sont tout à fait inconnus. »
Cette citation figure à la fin du chapitre 15, "Qu'est-ce qu'une caractérisation fictive ?", de mon dernier ouvrage La stylistique expliquée - La littérature et ses enjeux. Elle résume tout mon livre et toute la démarche intellectuelle qui a été la mienne depuis toujours :

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"Cette histoire pourrait même se faire sans que le nom d’un écrivain y fût prononcé" - J'ai appliqué cette méthode dans tout mon enseignement du français en hypokhâgne, où j'ai souvent fait étudier des textes sans nom d'auteur. Ce qui compte c'est l'oeuvre elle-même, la voix de l'auteur, ce qu'il dit et sa façon de le dire, et non sa biographie (ce qu'on nous en dit).
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En élargissant au domaine religieux :
La voix d'un personnage (comme Jésus), son message sont bien plus importants que ce qu'on nous dit de sa vie, et qui est très souvent purement inventé, fait de "caractérisations fictives". Bref l'Evangelium Christi, non l'Evangelium de Christo - l'Evangile du Christ, non l'Evangile au sujet du Christ.
Sur les caractérisations fictives de l'Evangile, voir par exemple :
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Fictions évangéliques - Le blog de michel.theron.over-blog.fr
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