Presque un million de personnes ont assisté sur les Champs-Élysées au défilé du cercueil de Johnny Hallyday, et plus de onze millions de téléspectateurs ont suivi l’événement. On a admiré cette effervescence, dont il n’y a eu d’équivalent, a-t-on dit, que lors des obsèques nationales de Victor Hugo.
Au risque de choquer mes lecteurs, je dirai que cet événement m’a laissé complètement indifférent. Je n’ai jamais écouté les chansons de cet artiste, qui d’après ce que j’entends n’en a pas composé les paroles, se contenant de les interpréter. Je serais bien en peine d’en citer un seul titre, alors que je connais par cœur beaucoup de celles de Brassens, de Ferré, de Brel, etc. – sans parler de tant de poèmes de Victor Hugo, qui m’ont accompagné depuis ma jeunesse. La disproportion est accablante, entre celui qui écrit et peut faire réfléchir, et celui qui se contente de galvaniser une foule au moyen de rythmes assourdissants.
On nous a dit que chacun avait en soi un peu de « Johnny ». Je regrette, mais ce n’est pas mon cas. Sans doute suis-je bien minoritaire, mais peu m’importe. Je ne condamne évidemment pas ceux qui ont pleuré sur sa mort. Peut-être ont-ils pleuré sur la disparition de leur propre jeunesse, bercée par les rythmes de leur idole. Pleurer, c’est avoir aussi pitié de soi.
Mais je ne les convaincrai pas, en leur disant que la fortune gagnée par l’artiste en une seule soirée est une insulte à ce qu’ils gagnent par mois ou par an, si encore ils ne sont pas chômeurs. Qu’il est facile se faire passer pour « rebelle », alors qu’on a les idées d’une droite bien franche. Qu’un Président de la république, par démagogie, a été jusqu’à rendre hommage à un incivique qui fut en délicatesse avec l’administration fiscale, au mépris de ceux qui paient régulièrement leurs impôts. Qu’il est facile d’enflammer une foule et de la subjuguer par un grand théâtre qui l’empêche de penser, et que mutatis mutandis Hitler et Mussolini l’ont fait avant lui. Bref que les signes de l’émotion ne sont pas l’émotion, et que l’habit ne fait pas le moine. Tant pis !

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