Le maire de Béziers a décidé de retirer les bancs publics de sa ville parce qu’on « n’a aucune raison de flâner » en cette période de confinement pour enrayer la propagation du coronavirus, a-t-il expliqué à France Bleu Hérault. (Source : francetvinfo, 07/04/2020)
L’être sensible en moi a été épouvanté par cette mesure. En effet, quoi de plus symbolique et de meilleure garantie d’humanité qu’un banc public ? Lieu de repos pour le corps et l’esprit, havre de chaleur et de convivialité, c’est lui souvent qui apporte le réconfort aux êtres blessés, qui ouvre un avenir à ceux qui n’y croient plus. Trace capitale de bien des expériences et aventures, que de souvenirs incarne-t-il pour bien des gens ! Pourquoi maintenant le proscrire, le bannir de l’espace urbain ?
On nous dit que c’est pour éviter les attroupements statiques. Mais d’abord une vieille personne qui veut prendre l’air et faire quelques pas dans la rue peut encore en avoir besoin pour une halte. Ensuite, qui empêchera ceux qui voudraient faire groupe et discuter ensemble de s’en passer et de s’asseoir par terre ? Et enfin, d’un point de vue général, son bannissement est une vraie catastrophe pour l’imaginaire : quel désert qu’une ville dépouillée de ses bancs ! Le cauchemar d’une dystopie n’est pas loin. Ne méprisons pas cet argument : l’homme est le fils de ses rêves. Il est lui-même fait de l’étoffe dont ils sont faits, ainsi que dit Shakespeare dans La Tempête. Il descend du Songe.
Dans un ancien billet de Golias Hebdo (15/01/2015), j’ai relevé la décision prise par la municipalité de Perpignan de supprimer la plupart des bancs publics de la ville, accusés de favoriser les réunions de SDF, et de les remplacer par des bancs à une seule place, plaisamment appelés par les opposants à cette mesure des « sièges pour culs pointus ». Là encore, le choix municipal a été radical. Mais je ne sais si à terme il a été efficace. Le dénuement ne disparaît pas par le seul fait de le cacher. On ne fait pas baisser la fièvre en cassant le thermomètre.
La méthode expéditive et brutale du maire de Béziers laisse bien perplexe. Elle manque évidemment d’humanisme, de finesse et de compréhension de notre réalité profonde. Évidemment ce premier magistrat n’est pas poète, et son choix est très prosaïque. Il reste qu’il aurait pu en faire d’autres que celui-là. Sa mesure procède d’un esprit totalitaire, voire sadique, et on ne peut s’empêcher de penser avec beaucoup d’appréhension aux mesures que prendrait le parti auquel il appartient, s’il arrivait au pouvoir.

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