C’est le recours habituel de ceux qui souffrent de faits ou de situations qu’ils ne peuvent soumettre au contrôle de la froide raison. Aveuglés par leurs affects, ils imaginent un ou des ennemis extérieurs, justifiant ce qui arrive. Cette tendance est de tout temps, mais elle a été réactualisée récemment par un groupe de prélats catholiques, pour qui les mesures sanitaires actuelles prises par les États sont un prétexte pour limiter « d’une manière disproportionnée et injustifiée les libertés fondamentales, y compris l’exercice de la liberté de culte. » Elles annonceraient la venue d’un État totalitaire, qui voudrait « créer la panique parmi la population dans le seul but d’imposer de façon permanente des formes de limitation inacceptables de la liberté, de contrôle des personnes (…), prélude inquiétant à la création d’un gouvernement mondial hors de tout contrôle. » (Source : lemonde.fr, 09/05/2020)
Ce conspirationnisme ecclésial s’explique évidemment par la nostalgie d’un pouvoir perdu, un cléricalisme forcené, qui n’admet pas la déchristianisation et la sécularisation actuelles de la société. Pour ces prélats il s’agit tout simplement de « choisir son camp : avec le Christ, ou contre le Christ. » On en sourirait, si cette attitude maximaliste et exclusiviste n’était pas malheureusement autorisée par certaines paroles qu’on a mises dans la bouche de ce dernier. Ainsi : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui ne rassemble pas avec moi disperse. » (Matthieu 12/30) Ou encore : « C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie. On ne vient au Père qu’en passant par moi. » (Jean 14/6)
Au lieu de s’interroger sur les raisons d’une désaffection des fidèles, qui peut tenir pour une part au maximalisme des paroles susdites, les prélats ont préféré se créer un ennemi invisible, dont ils s’imaginent être les victimes. Se croire persécuté est le propre d’un esprit paranoïaque. Ce trait s’ajoute ici à une psychorigidité naturelle, pour former une situation gravement pathologique.
Mais le plus inadmissible est l’irresponsabilité de leur discours. Ils ont revendiqué de pouvoir célébrer la messe à leur guise, l’État n’ayant « pas le droit de s’ingérer, pour quelque raison que ce soit, dans la souveraineté de l’Église » et donc d’interdire ou de limiter le culte public. De combien de morts alors seront-ils responsables, par des messes célébrées avec des églises pleines ?

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