On se demande quel sera le monde d’après la présente crise sanitaire. Le Financial Times répond à cette question en lui consacrant un dossier, et il qualifie même ce nouveau monde : il sera celui de l’« hédonisme alternatif ».
À l’en croire, le travail va être de plus en plus marginalisé, et ne sera plus en tout cas notre activité principale. Pour deux raisons. D’abord, avec les avancées technologiques, il y aura de moins en moins de travail. De ce fait on ne voudra plus travailler plus pour gagner plus (à l’inverse de ce que prônait le président Sarkozy). En premier lieu parce qu'on gagnera moins du fait de la raréfaction du travail, et ensuite parce qu'on ne voudra plus consommer davantage que ce dont on a besoin, en particulier parce que consommer davantage nuit à l’état de la planète.
Travail et consommation déclineront donc, au profit du temps libre, consacré au plaisir (en grec hédonè, d’où « hédonisme »). Plaisir de se cultiver, de jardiner, de faire du sport, de cuisiner, de s’occuper des autres dans des associations (care, intimate life, leisure and community projects)... En somme, moins de biens, et plus de liens.
C’est donc une vraie révolution sociétale qui est annoncée. La question que je me pose évidemment est : cette façon de vivre concernera-t-elle toute la planète ? Ne sera-t-elle pas propre aux pays dits « développés » ? Qu’en sera-t-il de ceux du Tiers Monde ? Comment les premiers peuvent-ils aider les seconds pour compenser leurs handicaps ?
Malgré tout, la description du monde futur faite par le Financial Times a tout pour me plaire. Cela fait longtemps que je prône une décroissance et une déconsommation. Notre planète ayant des ressources limitées, et son état se dégradant du fait de notre activité, je ne vois pas comment on pourrait être d’un autre avis.
Il faudra donc changer complètement notre « logiciel », ainsi que les présupposés de notre culture. Abandonner la valorisation exclusive du travail, que nous devons au Moyen-âge chrétien, et la stigmatisation de la paresse (qui est devenue un des péchés capitaux). Le travail est initialement un châtiment biblique, et son nom se tire d’un instrument de torture (tripalium). Il y a donc un « droit à la paresse », pour reprendre le titre d’un livre de Lafargue. Et nos nouvelles Béatitudes se calqueraient sur celle du film Alexandre le Bienheureux.
Je ne sais si cette vision se réalisera. Mais je vois très bien la catastrophe où l’on va tout droit si l’on garde le mode de vie que l’on a eu jusqu’à maintenant.
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Cet article est paru dans le journal Golias Hebdo. Pour lire d'autres articles comparables à celui-là, vous pouvez voir mon recueil :
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