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est un mot qui fleurit aujourd’hui, et spécialement sur le Web. Mais prenons garde que qui dit « enchère » dit « surenchère », et que la course au profit toujours plus grand peut ne pas avoir de limites, toute borne morale étant allègrement franchie.
Par exemple une jeune Brésilienne de vingt ans a mis aux enchères, sur Internet, sa virginité : les personnes intéressées peuvent enchérir pour remporter le gros lot et la déflorer (Source : 20 minutes.fr, 5/10/2012). Pourtant, le droit chez nous affirme ici l’indisponibilité du corps : on ne peut vendre son sang, un de ses organes, ou porter un enfant pour une autre, etc.
Je sais bien qu’il n’en est pas de même ailleurs. Mais je crains bien que la personne qui fait commerce d’une quelconque atteinte à son intégrité physique, et ici le cas de la virginité a une très forte connotation symbolique, ne se manque proprement de respect, et ne se considère elle-même que comme un « tas de viande », pour reprendre l’expression de Huxley dans son roman dystopique et prémonitoire Le Meilleur des mondes.
Autre exemple : un moyen via Internet, pour les femmes, de gagner de l’argent en vendant leur culotte. Telle femme s’en occupe elle-même sur son blog et gagne 300 euros par mois. Un site même a été créé à cette fin, lancé en février 2011 (source : L’Express.fr, 10/10/2012).
Je sais bien que les petites culottes déjà portées peuvent, pour attirer certains fétichistes, répandre érotiquement des odeurs. Ainsi en est-il au Japon du fétichisme des sous-vêtements, qui se nomme burusera. Mais, pour reprendre le mot de Vespasien, l’argent, lui, n’en a pas. Et c’est bien uniquement de lui qu’il s’agit. Quelle image d’elle se fait une femme en vendant au plus offrant et à n’importe qui ce qui est bien, quoi qu’elle en pense, une partie de son intimité ?
Une fois perdus transcendance, âme, mystère de l’être, celui-ci devient selon le mot de Marcuse, unidimensionnel. Il n’est plus qu’une chose, un objet de commerce.
« Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon », dit pourtant l’Évangile (Matthieu 6/24 ; Luc 16/13) Cette réification aujourd’hui envahissante nous amène à « vivre et penser comme des porcs », selon le titre de l’essai de Gilles Châtelet.
Et même si on ne croit pas en Dieu, il peut en rester en nous, devant tant de dégoût, une nostalgie révoltée.
[v. Amoralité]
Article paru dans Golias Hebdo, 25 octobre 2012
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Ce texte est extrait de mon dernier recueil d'articles Petite philosophie de l'Insolite. L'ouvrage est disponible en deux formats, papier et livre électronique (E-Book). On peut en feuilleter le début en cliquant ci-dessous sur : Lire un extrait. On peut le commander sur le site de l'éditeur en cliquant sur : Vers la librairie BoD. Il est aussi disponible sur commande en librairie et sur les sites de vente en ligne.
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DESCRIPTION
Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).
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