Normalement elle devrait susciter le rejet. Mais l’être humain est si imprévisible qu’on la voit portée aux nues en ces périodes de Noël. Je veux parler de la mode des pulls moches qu’on affiche soi-même ou offre aux autres à cette époque, et qui fait fureur depuis quelques années. C’est au point qu’il existe un championnat du monde des pulls moches, dont la dernière édition vient de se tenir au salon vintage d’Albi. (Source : actu.fr, 6/12/21)
L’origine en est sûrement les cadeaux, pas toujours de très bon goût et décevants pour ceux qui les reçoivent, qui sont offerts à l’occasion des réunions de famille, traditionnelles à ce moment de l’année, mais pas toujours souhaitées par ceux qui continuent de se plier à cet usage. De ce point de vue la mise en avant des pulls moches est originellement une dérision, le souvenir amer d’une déception, manquant évidemment de charité pour ceux susceptibles de l’avoir causée.
Mais maintenant l’amertume a disparu dans le « second degré » et dans le grand maelstrom de la consommation. Les grandes marques se sont emparées de cette mode, et on voit sur Internet de folles enchères pour ces pulls, dont certains atteignent des prix hors de commun avec leur prix de revient. Tout le monde suit de façon grégaire, comme c’est la règle sur les réseaux sociaux : ainsi Rabelais dit-il bien du mouton que c’est « le plus inepte animal du monde ». Cela ferait simplement rire, si le prix à payer pour cette invasion de pulls n’était un désastre écologique (un de plus !).
Malgré tout, je ne sais si c’est l’effet de Noël, mais je suis assez porté ici sur la mansuétude. Que ces pulls soient laids, c’est un fait qui nous semble évident. Mais les sentir tels implique un cœur froid et une pensée raisonnante. Par contre, si l’un d’eux nous est offert par une personne que nous aimons, alors il peut nous toucher.
C’est le grand problème posé par le kitsch, auquel j’ai consacré un livre récent (Le Kistch – Une énigme esthétique, éd. BoD, 2020). Le ridicule objectif de certaines œuvres et productions disparaît si elles sont associées à un contexte grandement émotionnel. Werther n’est pas choqué par les tartines de Charlotte, tout simplement parce qu’il l’aime. Aussi on peut trouver émouvantes les fautes d’orthographe contenues dans une lettre, tout simplement parce que son auteur est une personne qu’on chérit. Pourquoi pas alors un pull moche, s’il a été tricoté avec amour pour nous ?
Voir ici mon livre sur le Kitsch, disponible en deux formats (papier et e-book) :
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DESCRIPTION
Le Kitsch est un problème d'esthétique fondamental couvrant plusieurs domaines : arts visuels et architecture, mais aussi musique, littérature, arts du design, habillement, etc. C'est un formalisme, sans contenu profond, que l'on dénigre ordinairement. Pourtant la question est plus complexe. On peut en effet le réutiliser en le prenant avec humour, et aussi parfois le réhabiliter quand on se trouve dans une situation émotionnelle particulière. C'est à quoi ce livre invite, en évitant tout parti-pris à son sujet.
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Le Kitsch est un problème d'esthétique fondamental couvrant plusieurs domaines : arts visuels et architecture, mais aussi musique, littérature, arts du design, habillement, etc. C'est un formalisme, sans contenu profond, que l'on dénigre ordinairement. Pourtant la question est plus complexe. On peut en effet le réutiliser en le prenant avec humour, et aussi parfois le réhabiliter quand on se trouve dans une situation émotionnelle particulière. C'est à quoi ce livre invite, en évitant tout parti-pris à son sujet.
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