Il est souvent bien naïf. L’Europe entière est en train de payer actuellement son imprévoyance, pour avoir pensé que le commerce mondialisé la dispensait de se défendre, et que depuis l’éclatement du bloc soviétique il était inutile de redouter une nouvelle guerre.
L’Allemagne par exemple, contre les atrocités des nazis survenues en son sein, au nom du « Plus jamais ça ! » n’a pas voulu s’armer de façon efficiente. Aussi à cause de Tchernobyl et de Fukushima, elle a abandonné le nucléaire, et se trouve maintenant absolument dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz. Elle est dans une position de client devant donner de l’argent à un adversaire qui en retour pourra l’utiliser pour faire la guerre.
« L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. » Cette phrase de Pascal se vérifie toujours. Ne plus vouloir de la bestialité est certes un beau choix. Mais il ne doit pas dispenser d’une réflexion minimale sur le fond de l’être humain. Il n’est pas très reluisant, et saint Augustin a eu raison en introduisant en christianisme l’idée de péché originel. Il y a angélisme à ne pas en tenir compte.
Belles en sont les formules, bien sûr. Tendre l’autre joue, dit Jésus. Ou bien préférer subir l’injustice que de la commettre, selon Socrate. Mais à ce dernier Calliclès répond, dans le Gorgias de Platon : « Un homme comme toi, on peut le souffleter impunément. » Je crois qu’il faut prendre ces formules comme des idéaux, des beaux rêves. Dans la pratique, elles sont très difficilement utilisables. Il y a des êtres qui n’entendent rien d’autre que la violence, et il ne sert à rien de parlementer à l’infini avec eux. La seule chose à faire est de se présenter à eux avec en réserve les seuls arguments qu’ils peuvent comprendre. Voyez mon article « Force », dans le n° 711 de Golias Hebdo.
La belle parole de Jésus sur la croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23/34) est inspirée précisément par la formule socratique : « Nul n’est méchant volontairement. » Mais elle est très discutable dans certains cas. Ils savent très bien ce qu’ils font, au contraire. Ils profitent des faiblesses et des lâchetés, en toute lucidité. En pensant aux bourreaux nazis, Jankélévitch a renversé la formule : « Ne leur pardonne pas, car ils savent ce qu’ils font. »
Au fond, plutôt que pacifiste, il suffit d’être pacifique.
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